L’économiste Philippe Aghion ou le crépuscule des idoles
Le Crépuscule des idoles, parfois considéré comme une synthèse de l’œuvre de Nietzsche, peut dans tous les cas constituer un héritage pour la pensée philosophique contemporaine. À l’heure d’une catastrophe environnementale protéiforme qui se rappelle quotidiennement à nous et face à laquelle les actions restent cruellement insuffisantes ; alors que les régimes autoritaires menacent l’État de droit et la démocratie jusqu’aux États-Unis et dans certains pays de l’Union européenne ; alors que les crises sociales se multiplient et que les inégalités dans les pays riches connaissent des records historiques, il est urgent d’identifier ces idoles qui empêchent encore un véritable progrès humain, environnemental et social.

Le récent séminaire de Monsieur Aghion au Collège de France – peut-être la plus célèbre et prestigieuse institution académique française – a, dans ce contexte, de quoi interpeller. Et de quoi nous inviter à nous emparer de ce marteau pour sonder quelques propos idolâtres.
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L’intégralité de ce séminaire – intitulé « Impulser une nouvelle croissance : IA et innovation verte » – est placée sous un constat présenté comme un axiome indiscutable : celui du « décrochage » français et européen vis-à-vis des États-Unis. Celui-ci serait évident au niveau de la productivité, de la consommation, du PIB par habitant, de la valorisation des entreprises ou encore de la recherche appliquée. Il semble néanmoins crucial d’interroger la validité de ce postulat fondamental d’un décrochage européen alors que Trump vient d’être réélu malgré son soutien à l’insurrection du Capitole et qu’une grande majorité de ses électeurs croient toujours que l’élection de Biden, en 2020, a été truquée ; alors qu’aux États-Unis, le capitalisme se mue en « désespoir » pour des millions d’Américains, l’espérance de vie diminue sous les effets des armes à feu, de l’obésité, des opioïdes, mais également des suicides ou encore d’une forte mortalité infantile (et cela malgré des dépenses