Société

Gaîté Lyrique : quand l’occupation devient le laboratoire d’une vie sociale démocratique

Philosophe

Suite à une décision du juge des référés du tribunal administratif de Paris, les 300 jeunes migrants mineurs qui occupent la Gaîté Lyrique sont menacés d’expulsion. Depuis le début de leur lutte, face à l’adversité et l’indifférence, les jeunes du parc de Belleville ont fait preuve d’un sens remarquable du collectif : pour rappeler et défendre leurs droits, ils et elles se sont organisés en véritable communauté politique.

Quatre cent cinquante jeunes occupent aujourd’hui la Gaîté Lyrique ; ils étaient deux cent cinquante en décembre à leur arrivée. Au premier étage, sur une vaste plateforme – dédiée ordinairement à des expositions –, s’alignent les matelas, côte à côte. Le linge suspendu aux rambardes, là où il y en a. Qui sont-ils ? Des « jeunes mineurs isolés étrangers » sans famille, sans ressources. D’où viennent-ils ?

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Pour la majorité d’Afrique subsaharienne. Que veulent-ils ? Un toit, de la nourriture, être scolarisés. Ils sont en majorité des hommes, une quinzaine de jeunes filles occupant une salle à part. Ils et elles s’appellent « Le Collectif des jeunes du parc de Belleville », qui s’est constitué en 2023, fort d’expériences accumulées d’errance, d’occupation et d’évacuations, qui ont commencé à ce moment-là dans le parc de Belleville.

Le collectif est né d’une solidarité entre les jeunes autorisés à s’y installer la nuit, une fois les grilles fermées, et les habitants du quartier qui leur sont venus en aide. Ensemble, la nuit, s’ils ne se réchauffaient pas, leur proximité leur dispensait un peu de sécurité et de réconfort. Certains avaient connu les campements sauvages et les squats, d’autres les ponts, les gares, les parkings, où ils étaient victimes de vols et d’agressions. Après avoir passé quatre mois de galère, dans le parc, les trois cents jeunes ont été évacués, pressés de monter dans les bus affrétés par la région, qui les ont emmenés dans le Nord de Paris, à Clichy, à Sarcelles, dans des Centres d’Accueil et d’Évaluation des Situations (CAES), dont on devinait que l’accueil n’allait pas durer longtemps.

Ces « opérations » de « mise à l’abri » offrent un toit, des sanitaires, de l’eau courante, et un repas par jour, mais elles sont temporaires. Non seulement elles sont temporaires, mais leur usage aussi est limité dans la journée par des horaires fixes, généralement de 18h à 8h. Trois semaines après ces hébergements, les jeunes ont à nouveau été remis à


Gaëtane Lamarche-Vadel

Philosophe, essayiste et chercheure associée à ACTE Aesthetica  Paris 1-Panthéon Sorbonne