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Depuis Columbia University, journal d’une dictature

Historien

« Les universités sont l’ennemi », annonçait le vice-président J. D. Vance. Dans le cœur du viseur, l’université new-yorkaise Columbia, qui fait l’objet d’une coupe massive de subventions au prétexte de son inaction contre un antisémitisme exprimé durant les manifestations pro-palestiniennes – et instrumentalisé de manière particulièrement brutale, pour autoriser des descentes de police à la recherche d’étudiants étrangers, et même en arrêter certains. L’heure est grave.

Vendredi 7 Mars

La nouvelle tombe dans l’après-midi : le gouvernement supprime 400 millions de dollars de subventions à l’Université de Columbia. On s’y attendait, étant depuis longtemps dans le collimateur des Républicains et de leur plan de gouvernance Project 2025. On ne s’attendait pas à une telle somme : un tiers des financements publics que reçoit l’institution (privée, certes, mais dont le budget opérationnel repose pour un quart environ sur des fonds fédéraux). Cet argent finance essentiellement des programmes de recherche et des bourses dans les sciences naturelles et médicales.

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Le prétexte pour les suppressions est simple : Columbia ne fait pas assez pour protéger ses étudiants juifs contre l’antisémitisme sur le campus. En effet, l’obtention des fonds publics est liée au respect de normes antidiscriminatoires mises en place par le Civil Rights Act suite au mouvement contestataire lors des années 60. L’ironie est cruelle : un gouvernement ouvertement anti-diversité se sert de lois visant à protéger les minorités dans sa croisade contre l’université et le multiculturalisme que celle-ci promeut à ses yeux. Il n’empêche, ces mesures prises par l’administration Trump sont illégales, dans la mesure où elles sont décidées arbitrairement, en amont d’une procédure administrative et d’une enquête qui pourrait éventuellement décider si oui, ou non, il y a eu entrave et donc sanction justifiable.

Si le gouvernement se place d’emblée hors-la-loi et décide de passer en force, c’est qu’il tient depuis un an l’administration de Columbia par la gorge avec cette histoire d’antisémitisme. L’an dernier, l’alors présidente Minouche Shafik s’est pliée en excuses devant une commission guet-apens au Congrès, concédant le terrain du débat idéologique et laissant s’installer l’idée que des étudiants qui protestent pacifiquement contre le bombardement de civils à Gaza soutiennent nécessairement le Hamas (pour faire preuve de bonne volonté elle les fait arrêter par la poli


Thomas Dodman

Historien, Professeur à l'Université de Columbia