Culture

Les « écritures en présence » : la littérature comme art vivant

Auteur, programmateur et enseignant

S’éloigner de l’image d’Épinal de la lecture comme pratique silencieuse et isolée pour, au contraire, en proposer une expérience collective : telle est la nouvelle géographie qu’investit progressivement le champ littéraire contemporain. De plus en plus de manifestations, parmi lesquelles le Printemps des poètes qui se tient ces jours-ci, décloisonnent la littérature pour qu’elle renoue avec sa tradition orale et incarnée, permettant aux textes d’ainsi exister « hors du livre ».

Comme chaque année en mars, le Printemps des poètes célèbre la poésie sous toutes ses formes. L’occasion d’analyser comment la littérature s’augmente depuis plusieurs années de nouvelles géographies littéraires, avec des pratiques mobilisant l’oralité et mariant le texte à d’autres pratiques artistiques. Ou quand le littéraire s’écrit, se lit et se vit collectivement, au-delà des géographies connues du livre comme filière, contribuant à son renouvellement par l’oralité et une joie célébrée à plusieurs.

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Ce texte s’adosse à une pratique d’auteur, pour qui la rencontre entre littérature, scènes et musiques expérimentales est intuitive, et celle de co-fondateur du festival Sturmfrei, aventure née en 2021 pour créer une scène à des écritures bouillonnantes, rétives aux étiquettes, issues des marges esthétiques comme politiques. Il est autant un exercice d’auto-réflexivité sur quatre années d’expérimentation au sein du festival Sturmfrei qu’un plaidoyer pour la juste reconnaissance de la place des « écritures en présence » dans le champ de la littérature et celui, plus large, des écritures contemporaines.

Nommer les écritures en présence

Embrasser une histoire plus longue permet de relativiser l’ampleur de ce phénomène. Les arts littéraires ont déjà une longue histoire. On peut ainsi avancer que la littérature est née orale et que les pratiques performatives furent les premières formes d’expressions littéraires. Avant l’essor des années 2020, des artistes comme Anne James Chaton ou Fred Moten ont contribué à la vitalité de la littérature hors du livre, une littérature revenant à son oralité et sa corporéité, dans la lignée des performances poétiques des avant-gardes françaises du début du 20ème siècle, de la poésie sonore des années 60, du spoken word britannique et du slam aux États-Unis, dans les années 80, puis en Europe une décennie plus tard. Mais l’essor de ces pratiques est peut-être plus sensible aujourd’hui, tant par le bouillonnement et la pluralité de


[1] Alex Lachkar, Stefanie Mayer, Teresa Hiergeist, « Literary Performance Festivals as a Space for Feminist and Queer Sociability », Queer and Feminist Relationships in Contemporary Fiction, Concepts, Practices, and Aesthetics in Romance Cultures, Verlag, 2024, 252p.

[2] Lionel Ruffel, Brouhaha. Les mondes du contemporain, chapitre « La Littérature Publiée », Verdier Éditions, 2016.

[3] David Ruffel, « Une littérature contextuelle », Littérature, n° 160, 2010/4, pp. 61-73, 2010

[4] Manifeste du RIAL, rendu public le 19 septembre 2024 à l’occasion du festival EXTRA- au Centre Pompidou

Arnaud Idelon

Auteur, programmateur et enseignant , Maître de conférence associé à l'École des Arts de la Sorbonne (Université Paris 1)

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Notes

[1] Alex Lachkar, Stefanie Mayer, Teresa Hiergeist, « Literary Performance Festivals as a Space for Feminist and Queer Sociability », Queer and Feminist Relationships in Contemporary Fiction, Concepts, Practices, and Aesthetics in Romance Cultures, Verlag, 2024, 252p.

[2] Lionel Ruffel, Brouhaha. Les mondes du contemporain, chapitre « La Littérature Publiée », Verdier Éditions, 2016.

[3] David Ruffel, « Une littérature contextuelle », Littérature, n° 160, 2010/4, pp. 61-73, 2010

[4] Manifeste du RIAL, rendu public le 19 septembre 2024 à l’occasion du festival EXTRA- au Centre Pompidou