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Milei et le cosplay : populisme et pop culture à l’ère des libertariens

Philosophe, Journaliste

Nul besoin de comparer Javier Milei au Joker : en 2019, il se déguise en « Général Ancap », super-vilain icône de l’anarcho-capitalisme. Cette mascarade est emblématique de la réappropriation par les extrêmes droites populistes de la pop culture et de la culture geek. Loin d’être une simple farce communicationnelle, ces pratiques instaurent un nouveau récit politique : celui de la super-violence autoritaire aux mains des ennemis de l’État de droit.

«Je suis le Général Ancap. Je viens de Liberland, une terre née du principe d’appropriation originelle de l’homme. Un territoire de sept kilomètres carrés entre la Croatie et la Serbie. Un pays sans impôt, où l’on défend les libertés individuelles, où l’on croit en l’individu, et où il n’y a pas de place pour ces fils de pute de collectivistes qui veulent nous pourrir la vie. »

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Cette harangue ne sort pas de la bouche d’un prophète belliqueux échappé d’une bande dessinée futuriste, d’un antagoniste de manga hargneux ou d’un personnage épique de jeu vidéo réactionnaire. Le Général Ancap fait sa première apparition publique en 2019, lors d’une Comic Con à Buenos Aires.

Javier Milei y surgit sous les traits d’un personnage tout droit sorti d’un nanar : masqué, moulé dans une combinaison bon marché noire et jaune, les couleurs du drapeau libertarien, le torse frappé d’un sceau super-héroïque. Dans sa main, un sceptre doré en plastique, improbable croisement entre un trident mystique et un symbole alchimique. Le cosplay est cheap, le super-héros inédit : Ancap est un outsider « anarcho-capitaliste », armé d’une tronçonneuse et coiffé comme Wolverine, venu libérer la société de ses chaînes étatiques et instaurer le règne libertarien à l’échelle planétaire.

Quarante-quatre ans avant le Général Ancap, un justicier mondialement célèbre faisait irruption dans la fiction politique latino-américaine, cette fois transformé, dans l’imaginaire de Julio Cortázar, en héros socialiste face au néocapitalisme. En janvier 1975, après sa participation au Tribunal Russell II[1], l’écrivain en exil publie Fantômas contre les vampires des multinationales[2], une attaque parodique contre l’impérialisme américain et ses multinationales complices des dictatures latino-américaines. Cortázar y place Fantômas aux côtés de Susan Sontag, Gabriel García Márquez, Octavio Paz et Alberto Moravia, intellectuels solidaires du héros masqué. Sérigraphies de répression, logos de multinationales, ar


[1] Tribunal d’opinion fondé en 1973 pour enquêter sur les crimes des dictatures en Amérique latine (Brésil, Chili, Argentine, Uruguay), dans la lignée du Tribunal Russell sur le Vietnam (1966). Sans pouvoir judiciaire, il visait à documenter la répression et à mobiliser l’opinion internationale.

[2] Julio Cortázar, Fantomas contra los vampiros multinacionales, Otros géneros, Destino, 1965. À paraître en France en 2026 aux éditions Le Rayon Blanc, dans une traduction de Guillaume Contré.

[3] DOGE est l’acronyme pour le nouvellement créé « Department Of Government Efficiency », suite à la réélection de Donald Trump et dirigé par Elon Musk. Il s’agit d’un organisme sans contrôle du Congrès américain ayant pour but de restructurer l’administration, notamment en coupant les dépenses de manière brutale.

[4] L’alt-right est un courant de l’extrême droite américaine se démarquant par son opposition au conservatisme classique et en prônant le suprémacisme blanc, les théories incels, le darwinisme social, la LGBTQ-phobie et se définissant en opposition au « wokisme ». Il s’illustre notamment par des techniques de radicalisation par Internet, analysées dans la série YouTube « The Alt-Right Playbook », par Innuendo Studios.

Zacharie Petit

Philosophe, Doctorant à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Ariana Saenz Espinoza

Journaliste

Mots-clés

Extrême droite

Notes

[1] Tribunal d’opinion fondé en 1973 pour enquêter sur les crimes des dictatures en Amérique latine (Brésil, Chili, Argentine, Uruguay), dans la lignée du Tribunal Russell sur le Vietnam (1966). Sans pouvoir judiciaire, il visait à documenter la répression et à mobiliser l’opinion internationale.

[2] Julio Cortázar, Fantomas contra los vampiros multinacionales, Otros géneros, Destino, 1965. À paraître en France en 2026 aux éditions Le Rayon Blanc, dans une traduction de Guillaume Contré.

[3] DOGE est l’acronyme pour le nouvellement créé « Department Of Government Efficiency », suite à la réélection de Donald Trump et dirigé par Elon Musk. Il s’agit d’un organisme sans contrôle du Congrès américain ayant pour but de restructurer l’administration, notamment en coupant les dépenses de manière brutale.

[4] L’alt-right est un courant de l’extrême droite américaine se démarquant par son opposition au conservatisme classique et en prônant le suprémacisme blanc, les théories incels, le darwinisme social, la LGBTQ-phobie et se définissant en opposition au « wokisme ». Il s’illustre notamment par des techniques de radicalisation par Internet, analysées dans la série YouTube « The Alt-Right Playbook », par Innuendo Studios.