Police vs. État de droit
Il y a un an et demi, le Conseil d’État, alerté par l’« ampleur » des « cas de défaut[1] », enjoignait au ministère de l’Intérieur de faire respecter l’obligation légale du port de matricule individuel (RIO) pour les policier. Leur syndicat majoritaire, Alliance, s’est indigné devant ce qu’il perçoit comme une « décision stigmatisante pour les forces de sécurité intérieure[2] ». Il est d’abord ironique de relever que des policiers, comme cela transparaît parfois dans leurs pratiques, considèrent que l’injonction au respect de la loi cache en fait une volonté de stigmatiser.

Mais le sujet de cet article est ailleurs : le même communiqué d’Alliance s’inquiète de l’hypothèse selon laquelle « l’administration, sous pression politique et associative […] souhaite appliquer » la décision du Conseil d’État. Si les sociologues savent depuis longtemps que « la déviance est consubstantielle à la police[3] », la réaction d’Alliance a ceci de remarquable qu’elle montre des policiers, dont la mission est « d’assurer […] le respect des lois[4] », assumer publiquement le fait qu’ils n’entendent pas laisser celles-ci leur dicter leur conduite. C’est le même message qu’affichent les très nombreux agents qui refusent le port du RIO[5]. Outre le fait qu’ils organisent ainsi leur propre impunité, ils expriment surtout clairement que le respect des lois est sans valeur pour eux.
L’institution ne les contredira pas : bien que le Conseil d’État ait exigé le 11 octobre 2023 que le ministère de l’Intérieur fasse porter les RIO et agrandisse leur format sous un délai d’un an[6], bien que Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur jusqu’en septembre 2024, affirme que « le rôle de la police et de la gendarmerie est d’appliquer les décisions de justice, pas de dire si le juge a eu raison ou non[7] », le ministère de l’Intérieur ne s’est toujours pas exécuté[8].
Que se passe-t-il ? Pourquoi la décision du Conseil d’État, cette « victoire exclusive des anti-flics et fomentée dans des antic