La perruque : le patron sera toujours assez riche
Le travail en perruque désigne la réalisation d’objets ou de réparations faits par les travailleurs et travailleuses manuel·les pour elles et eux-mêmes sur leur lieu de travail, pendant les heures de travail, en utilisant les outils du travail (machines de l’entreprise, outils à disposition) et les matériaux de l’entreprise. La perruque se donne, s’offre ou s’échange et ne se vend que rarement.

Donner la définition d’un terme puis dérouler son étymologie est la façon la plus scolaire de démarrer un texte. Mais en ouvrant ainsi cet article sur la perruque, on rentre d’un coup dans le vif de ce sujet si peu académique, dont les limites sont liquides et les identités aussi diverses que celles et ceux qui la pratiquent.
Commencer par définir, c’est également couper court au malentendu : non, ce texte ne parlera pas de cheveux. Évacuons dès maintenant cette question capillaire : en annexe de son livre L’Usine en douce, publié en 2001, le sociologue Étienne de Banville entreprend de retracer l’origine sémantique et le parcours du mot perruque[1]. Entreprise ardue dont ne ressortent que des hypothèses. La perruque serait ainsi nommée car elle est associée soit à l’idée de postiche, et donc de dissimulation, soit à la fabrique de véritables perruques par les garçons-coiffeurs entre deux rendez-vous – mais cette dernière théorie, précise Banville, n’est étayée par aucune autre source. Une autre origine évoquée par le sociologue est liée à la culture des arsenaux : faire une perruque viendrait de faire la queue, ou même faire le poil, soit détourner, gruger[2]. La langue est politique, et la définition qu’on donne à la perruque est intrinsèquement, magistralement politique. Pour moi, la perruque n’est pas du vol, j’y reviendrai.
Le terme est connu des milieux ouvriers, mais peu documenté dans les livres, les écrits universitaires. L’acte lui-même apparaît dans la littérature au détour d’une page : la figure du père dans En salle (2022) de Claire Baglin, à nouveau le