Projeter la violence sur le corps de l’autre, c’est autoriser à exercer la violence contre lui
pour Aboubakar Cissé
Nous sortons de plusieurs décennies de déni du racisme dans la société française. L’islamophobie est aussi ce racisme qui n’est que rarement considéré comme un racisme, condamné seulement du bout des lèvres. Il s’agit d’un racisme par dénégation. Le meurtre de Cissé nous rappelle l’irresponsabilité de ce déni, car oui l’islamophobie – comme le sexisme et le racisme qu’elle contribue à intensifier dans nos sociétés – tue.

Les intellectuels ont pour devoir de faire cesser cette dénégation s’ils veulent éviter le pire. Si l’enquête concernant le meurtre d’Aboubakar Cissé est encore en cours, un fait est néanmoins remarquable : bien qu’une part non négligeable de la classe politique française ait mobilisé le terme d’islamophobie pour décrire le crime, son usage demeure encore contesté, éminemment polémique voire tout simplement proscrit. Cet essai propose de définir le type de racisme et de violence qui s’autorise d’un discours sur l’islam et les musulman·es. Il s’agit de mieux en cerner les contours et de lutter contre ce que je propose de décrire avant tout comme un dispositif de racialisation de l’islam.
Quel que soit le terme employé, le racisme qui en procède a pour singularité de ne pas racialiser seulement la couleur de la peau. On peut être arabe ou noir, athée ou religieux et subir cette racialisation de l’islam car ce n’est pas la foi mais ce sont d’abord les signes de l’appartenance religieuse réelle ou supposée qui sont en cause. D’où cette proposition de définition : l’islamophobie ou le racisme antimusulman est ce racisme qui racialise une religion l’islam – en stigmatisant ses signes et symboles supposés ou réels. Elle peut donc s’abattre sur toutes et tous dès lors qu’il ou elle est musulman·e présumé·e.
Rappelons que Cissé est Malien et que le racisme antinoir est nourri par la montée de l’islamophobie que l’on réduit à tort à un racisme anti-arabe, malgré l’évidente centralité de ce dernier dans la fabrique de la raciali