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L’Internationnale tronçonneuse

Politiste, Politiste

La tronçonneuse n’est pas une simple métaphore, mais la logique même d’une vague néolibérale anarcho-autoritaire, en l’Amérique latine, en Amérique du Nord et en Europe. Comme hypnotisé par ce spectacle de vengeance visant à compenser les lourds sacrifices économiques, le centre-gauche se laisse happer. La frange d’extrême droite est normalisée, et notre sens commun altéré.

Dans une image partagée dans le monde entier, on a vu Elon Musk, lors de la Conférence d’action politique conservatrice (CPAC) organisée à Washington en février dernier, brandir une tronçonneuse en poussant des grognements. Bien moins médiatisée fut la scène qui la précédait, dans laquelle le président libertarien d’extrême droite d’Argentine, Javier Milei, montait sur scène pour offrir à Musk ladite tronçonneuse factice gravée de son slogan désormais célèbre : ¡Viva la libertad, carajo! (« Vive la liberté, bordel ! »).

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Le Département d’efficacité gouvernementale (DOGE) de Musk a été qualifié d’imitation de l’assaut de Milei contre l’État argentin, et pour cause. Depuis son entrée en fonction en décembre 2023, Milei a détruit plus de la moitié des ministères argentins (dont le ministère des femmes, des genres et de la diversité), en a créé de nouveaux (le ministère de la déréglementation et de la transformation de l’État notamment) et licencié environ 40 000 fonctionnaires. Poursuivant sa propre version du MAGA, Milei a explicitement appelé au « sacrifice » afin de « Make Argentina Great Again » ; Musk et Trump ont été moins directs sur ce point, à quelques exceptions (notables) près. Juste avant l’élection, Musk a convenu qu’il fallait s’attendre à une « première surréaction économique sévère » si Trump l’emportait. « Nous devons réduire les dépenses pour vivre selon nos moyens », a-t-il insisté. « Cela implique nécessairement quelques difficultés temporaires, mais cela garantira la prospérité à long terme. »

Au sujet des droits de douane, Trump a exprimé un aveu similaire le lendemain de la publication d’un décret visant le Mexique, le Canada et la Chine : « Est-ce que ce sera douloureux ? Oui, peut-être (ou peut-être pas !) », a-t-il écrit tout en majuscules. « Mais nous allons rendre à l’Amérique sa grandeur, et tout ça vaudra le prix à payer. » Peu après, Trump reconnaissait même la possibilité d’une récession économique, provoquant une nouvelle chute


William Callison

Politiste, Lafayette College

Veronica Gago

Politiste, Professeure de sociologie à l'Université nationale de San Martin