Politique

Le serpent de mer de la reconnaissance faciale

Sociologue

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin l’a annoncé il y a quelques jours : il veut un groupe de travail sur la reconnaissance faciale. Loin d’être une surprise, cette annonce s’inscrit dans une suite de propositions émises par de hautes instances de l’État, en lien avec des acteurs industriels et scientifiques, pour préparer la population française. Pourtant, la reconnaissance faciale est absolument incompatible avec des formes de vie démocratique.

Gérald Darmanin s’agite. Doublé par sa droite par son successeur à la place Beauvau, Bruno Retailleau, le ministre de la Justice a bien du mal à raccrocher le tablier de « premier flic de France ». Dernière illustration en date : la relance du débat sur la légalisation du recours à la reconnaissance faciale en temps réel.

publicité

L’encre de la loi narcotrafic, avec son lot de nouvelles mesures de surveillance policière, n’est pas encore sèche – le Conseil constitutionnel doit encore se prononcer – que le ministre en est déjà au coup d’après. Son cabinet vient de confirmer à l’AFP qu’un groupe de travail serait prochainement lancé pour « créer un cadre légal » permettant d’« introduire cette mesure dans notre législation ». Selon le ministre, qui en 2022 se disait opposé à la reconnaissance faciale, « utiliser la technologie et la reconnaissance faciale, ce sont les solutions pour lutter drastiquement contre l’insécurité ».

Un projet politique assumé

Le contexte de concurrence politique exacerbée à droite pourrait laisser penser à une énième provocation du Garde des sceaux. Il s’agit en réalité d’un projet politique assumé de longue date par les gouvernements d’Emmanuel Macron, mais chaque fois repoussé à plus tard de peur qu’il ne suscite une levée de boucliers dans la population.

Lorsqu’avec mes camarades de La Quadrature du Net et d’autres collectifs à travers le pays, nous avons lancé la campagne Technopolice en 2019 pour documenter les nouvelles technologies de surveillance policière et fédérer les résistances locales, la reconnaissance faciale était déjà sur toutes les bouches. À l’époque, l’Office parlementaire des choix scientifiques et techniques, aiguillé par un parlementaire macroniste, appelait déjà à une loi d’expérimentation pour autoriser son usage en temps réel. Quelques semaines plus tard, le secrétaire d’État Cédric O, accordait un entretien au journal Le Monde sur le sujet. Dans cette toute première sortie gouvernementale sur le sujet, il estimai


[1] Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison (Gallimard, 1975), p. 215.

Félix Tréguer

Sociologue

Notes

[1] Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison (Gallimard, 1975), p. 215.