Société

Quand les pride étaient révolutionnaires

Philosophe

Comme chaque année, le mois de juin commémore les émeutes queer de Stonewall qui, le 28 juin 1969, contre-attaquaient l’État policier hétéronormatif, raciste et classiste étatsunien. Aujourd’hui, les queers font encore l’objet d’obsession et de persécution du fascisme à l’international, dont le désir pervers menacerait les enfants, la civilisation, la société et la morale. Et si cela était une proposition écologique révolutionnaire ?

Que craint le pouvoir fasciste hétéronormatif quand il accuse les queers d’être à l’origine des pires maux de la société, si ce n’est son propre rapport au désir ? L’écoféministe Greta Gaard parlait en 1997 d’érotophobie, concept qui à première vue ne semble rien dire de plus que ce que de la théorie queer nous avait déjà appris, à savoir le drame politique que représente la réduction du désir à l’hétérosexualité monogame sacralisée par le couple et la famille nucléaire.

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A la différence – fondamentale – que Gaard fait un usage écologique de ce terme : l’érotophobie désigne chez elle une hostilité générale vis-à-vis de la sensualité et du plaisir exprimés par des formes de vie variées et créatrices qui jouissent du monde, sous un mode qui se soustrait à la logique instrumentale. Les queers, mais aussi les (ex) colonisé∙es sont visé∙es par cette accusation d’une jouissance insupportable, et constituent sans surprise les groupes principaux visés par les fascismes actuels. Dans cette perspective, l’hétéronormativité comme le colonialisme ne sont ni plus ni moins que des régimes socio-environnementaux.

Non seulement, l’érotisme a été réduit à la chorégraphie sexuelle et génitale de la chambre à coucher, mais tout ce qui ne s’y assimilait pas fut produit comme « déviance ». Cette réduction n’a pas été intrinsèquement répressive, comme nous l’a bien appris Michel Foucault, puisqu’elle génère au contraire ce que les psychanalystes ont appelé une « économie libidinale » mortifère sous le capitalisme, où il s’agit moins de juguler le désir que de le laisser exploser sous ses formes les plus morbides : ainsi de l’extractivisme-culture du viol dénoncé entre autres par les féministes communautaires latino-américaines (le fameux « Drill baby drill » de Donald Trump et son monde, brillamment théorisé par Cara Daggett sous le néologisme de « pétromasculinité »), des éjaculations de pétrole et des fusées qui fuient le système-terre à la recherche de nouveaux objets de conq


[1] Il ne s’agit en aucun cas de naturaliser ce qui est ici un discours : les incels, et tous les masculinistes, n’ont jamais été « privés » de sexe, tout comme les hommes n’ont pas plus de pulsions sexuelles difficiles à réfréner. Il faut ici différencier la portée politique d’un discours (bien réelle) et sa légitimation comme une vérité donnée, dissimulant son origine : un ressentiment globalisé envers les femmes et les minorités de genre.

[2] Mickaël Tempête, La gaie panique, Divergences, 2025.

Myriam Bahaffou

Philosophe, Doctorante en philosophie à l'Université Picardie Jules Vernes et à l'Université d'Ottawa

Notes

[1] Il ne s’agit en aucun cas de naturaliser ce qui est ici un discours : les incels, et tous les masculinistes, n’ont jamais été « privés » de sexe, tout comme les hommes n’ont pas plus de pulsions sexuelles difficiles à réfréner. Il faut ici différencier la portée politique d’un discours (bien réelle) et sa légitimation comme une vérité donnée, dissimulant son origine : un ressentiment globalisé envers les femmes et les minorités de genre.

[2] Mickaël Tempête, La gaie panique, Divergences, 2025.