Musique

Neil Young, refuge esthétique

Critique

Deux heures durant ce samedi à Paris, comme avant à Bruxelles ou Glastonbury, Neil Young a égrené une impressionnante setlist de morceaux savamment piochés dans l’ensemble de sa carrière, des années 1960 aux années 1990 – allant jusqu’à totalement ignorer son tout récent album. Comment le comprendre ? En y entendant la seule réponse possible à Donald Trump : l’esthétique.

Quel sentiment s’est emparé de nous en écoutant et regardant Neil Young, dimanche 13 juillet à l’Adidas Arena de Paris ? Plutôt qu’un sentiment, il s’agissait surtout d’une illumination provoquée par le fait d’avoir été face à la dernière utopie du rock – qui disait par contraste tout ce que l’époque ne peut plus faire ni raconter, ce qu’elle ne porte plus.

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Deux heures durant, le chanteur américain, dont la carrière a démarré dans les années 1960 et qui est sans doute plus âgé désormais que la plupart de celles et ceux qui l’écoutaient ce soir-là, a proposé une séquence de morceaux passant en revue un pan de sa longue carrière, égrenant les morceaux qui se répondent fortement les uns les autres dans le sens où ils forment un tout : le portrait biographique de leur auteur, entre les années 1960 et les années 1990.

La séquence, qui correspond à un ou deux morceaux près, à tous les concerts que Young joue depuis le début de cette tournée, était pensée pour le spectateur : elle partait d’un morceau rare, « Ambulance Blues », pris sur On The Beach, album maudit de 1974, fortement inspiré par Charles Manson, son culte et les désillusions alors croissantes dans lesquelles mouraient les idéaux hippie des années soixante. On pouvait y voir une façon de commenter le présent et dire la désillusion croissante avec le réel – ou y entendre une autre époque parler à celle-ci : Neil Young chante-t-il un passé où il était possible de protester, pour dire les impasses politiques du contemporain ? Peut-être.

Il alternait électricité et acoustique avec « The Needle and the Damage Done » au milieu du spectacle, tenu par lui seul, et aboutissait en rappel unique à « Hey Hey My My (into the black) », comme trou noir de conclusion, emportant tout dans sa tension et ses paroles. Plus tôt dans la séquence, des morceaux légendaires comme le grandiose « Cinnamon Girl » ou l’imperturbable « Like A Hurricane » disaient déjà cela : la force d’attraction de l’électricité qui semble occup


Saada Nehme

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