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Guerre et répression de la résistance des femmes iraniennes

Enseignante-chercheuse en études théâtrales

La guerre Iran-Irak (1980-1988), l’attaque israélienne en juin 2025 et la période du « spectre de la guerre » (1988-2025) ont permis à la République islamique de tirer profit de la logique de guerre, réelle ou fantasmée, pour se consolider. La « guerre des douze jours » de juin n’a pas, contrairement aux allégations de Netanyahou, aidé à lutter contre la répression. Mais « Femme, Vie, Liberté » trouve comment continuer à agir.

De mon enfance, une scène est gravée dans ma mémoire. Ma mère, mon père, mon frère et moi, nous nous tenons dans l’étroit couloir de notre maison à Téhéran, ce passage reliant la cuisine au salon. Tout est sombre et l’électricité est coupée. Le seul éclairage est la faible lumière d’une bougie dans la main de mon père. Les sentiments qui nous traversent tous c’est l’angoisse et l’inquiétude. Le temps semble suspendu. Je suis la plus petite de la famille, à peine trois ou quatre ans. De là où je suis, tout en bas, je vois les visages de mes proches éclairés par la flamme tremblante. Et dans cette lumière vacillante, ils paraissent encore plus inquiets. Les ombres dansent autour de nous, étranges, presque menaçantes. Je reste immobile, pétrifiée, observant tout, submergée par une peur que je ne comprends pas encore, mais que je ressens entièrement.

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Les sons de cette époque me hantent encore. Il y a cette sirène – la sirène de la guerre – comme une musique sinistre devenue la bande-son de mon enfance. Et puis cette voix, grave, impassible : « Attention, attention… la voix que vous entendez est celle de l’alerte… réfugiez-vous dans les abris ou les lieux sûrs. » Puis la sirène continue, interminable, stridente. Mais ce qui reste le plus fort, dans ce souvenir, c’est l’image de mon frère. Il devait avoir huit ou neuf ans. Terrorisé, incapable de rester en place, il faisait des allers-retours dans le couloir en murmurant une prière, encore et encore, comme s’il cherchait à se protéger par les mots.

La guerre, pour moi, c’est avant tout cette image-là. Pas les chiffres, ni les décombres, mais cette scène qui se résume dans ce déplacement : de la paralysie angoissante des mouvements de la vie (et des joies d’enfant) à la danse des ombres de la terreur.

Ce souvenir d’enfance, qui donne à sentir comment la peur engloutit l’élan de tout mouvement, me replonge dans les premières années sombres de la République islamique. Ces années de répression étatique féroce, où l’


[1] Bassidj-e Mostazafan (« Mobilisation des opprimés ») est l’organisation des milices paramilitaires fondée par l’ayatollah Khomeiny en 1979. Les membres – les bassidji – ont été recruté non seulement pour l’envoi massif de volontaires, y compris adolescents, au front pendant la guerre Iran-Irak mais aussi pour la répression intérieure.

[2] Les monarchistes, dont beaucoup affichent leur alliance avec Israël. Le prince héritier en exil, rêvant de revenir au pouvoir après 46 ans, a rapidement organisé une conférence à Paris pour annoncer sa candidature au regime change.

[3] Cette asymétrie se manifeste à plusieurs niveaux : puissance militaire, économique, historique, soutien international, droit international, projet impérialiste, ainsi que dans la nature même des États en présence – d’un côté l’Iran, un État-nation ; de l’autre, Israël, une colonie de peuplement, sorte d’annexe des puissances impérialistes dans la région.

[4] Un mouvement contestataire et réformiste contre la fraude électorale, en 2009, pour garder au pouvoir le conservateur Mahmoud Ahmadinejad.

[5] Mouvements contestataires et populaires dans les pays arabes commencés à la suite du Mouvement vert en Iran.

[6] Des opportunités de paix et de cessez-le-feu avaient émergé bien avant 1982. Le mois de Khordad 1360 (juin 1981) constitue un tournant décisif : c’est à ce moment que le régime met fin au processus révolutionnaire initié en 1979. À partir de cette date, le pouvoir passe entièrement entre les mains de ceux qui formeront le noyau dur de la République islamique – les cadres du Parti de la République islamique et leurs alliés proches. L’année 1981 restera comme l’une des plus sanglantes de l’histoire post-révolutionnaire, aux côtés de 1988 : les prisons sont pleines, l’espace politique est étouffé, la répression contre les militant·es et les groupes politiques atteint une intensité inédite, les tortures se généralisent, et le président Abolhassan Bani Sadr est destitué. Voir cet article pour plu

Rezvan Zandieh

Enseignante-chercheuse en études théâtrales, Enseignante-chercheuse en études théâtrales et études de genre

Mots-clés

Féminisme

Notes

[1] Bassidj-e Mostazafan (« Mobilisation des opprimés ») est l’organisation des milices paramilitaires fondée par l’ayatollah Khomeiny en 1979. Les membres – les bassidji – ont été recruté non seulement pour l’envoi massif de volontaires, y compris adolescents, au front pendant la guerre Iran-Irak mais aussi pour la répression intérieure.

[2] Les monarchistes, dont beaucoup affichent leur alliance avec Israël. Le prince héritier en exil, rêvant de revenir au pouvoir après 46 ans, a rapidement organisé une conférence à Paris pour annoncer sa candidature au regime change.

[3] Cette asymétrie se manifeste à plusieurs niveaux : puissance militaire, économique, historique, soutien international, droit international, projet impérialiste, ainsi que dans la nature même des États en présence – d’un côté l’Iran, un État-nation ; de l’autre, Israël, une colonie de peuplement, sorte d’annexe des puissances impérialistes dans la région.

[4] Un mouvement contestataire et réformiste contre la fraude électorale, en 2009, pour garder au pouvoir le conservateur Mahmoud Ahmadinejad.

[5] Mouvements contestataires et populaires dans les pays arabes commencés à la suite du Mouvement vert en Iran.

[6] Des opportunités de paix et de cessez-le-feu avaient émergé bien avant 1982. Le mois de Khordad 1360 (juin 1981) constitue un tournant décisif : c’est à ce moment que le régime met fin au processus révolutionnaire initié en 1979. À partir de cette date, le pouvoir passe entièrement entre les mains de ceux qui formeront le noyau dur de la République islamique – les cadres du Parti de la République islamique et leurs alliés proches. L’année 1981 restera comme l’une des plus sanglantes de l’histoire post-révolutionnaire, aux côtés de 1988 : les prisons sont pleines, l’espace politique est étouffé, la répression contre les militant·es et les groupes politiques atteint une intensité inédite, les tortures se généralisent, et le président Abolhassan Bani Sadr est destitué. Voir cet article pour plu