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Reconnaissance de la guerre au Cameroun : enjeux politiques et mémoriels

Historien

Peu connue en France, la guerre du Cameroun (1945-1971) fut une « sale » guerre coloniale dont l’héritage mémoriel et politique continue de structurer l’État camerounais contemporain. En reconnaissant officiellement, le 12 août, l’existence de cette guerre ainsi que le rôle de l’armée française dans la répression du mouvement nationaliste de l’UPC, Emmanuel Macron a ouvert une brèche sur un passé colonial qui conservait plusieurs zones d’ombre.

La reconnaissance par Emmanuel Macron de la guerre au Cameroun a été rendue publique mardi 12 août dans un courrier à son homologue camerounais, Paul Biya.

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Elle fait suite au rapport de la commission franco-camerounaise pluridisciplinaire sur « Le rôle et l’engagement de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition entre 1945 à 1971 » sous la direction de Karine Ramondy, remis le 28 janvier à Yaoundé, une semaine après l’Élysée. Cette déclaration à bas bruit répond sans aucun doute à des préoccupations politiques de la part de l’exécutif, mais les angles morts de cette déclaration vont réveiller des enjeux mémoriaux et politiques distincts et peu travaillés des deux côtés de la Méditerranée.

Pour la France, cette étape de plus dans la reconnaissance d’un « passé qui ne passe pas » n’aura probablement pas de grandes conséquences dans notre paysage mémoriel. La France n’est plus à une « sale » guerre coloniale près et l’indifférence générale face cet épisode peu glorieux reste prégnant. Cependant, elle met fin à un long déni et, dans ce sens, la démarche du président est louable. Le 21 mai 2009, François Fillon, en visite officielle à Yaoundé, fut interrogé sur les « scories du passé » quand des journalistes camerounais évoquaient la guerre au Cameroun. La réponse fut sèche et sans appel : « Je dénie absolument que des forces françaises aient participé, en quoi que ce soit, à des assassinats au Cameroun. Tout cela, c’est de la pure invention ! Et naturellement, lorsque je parlais de scories ce n’est pas à ça que je pensais ». En France, ce conflit occulté par la guerre d’Algérie fut longtemps effacé de l’histoire des décolonisations subsahariennes, traditionnellement présentées comme négociées. Dans les années soixante, la mémoire traumatique de la guerre d’Algérie et la censure post-gaullienne ne permettaient pas à une contre-histoire d’émerger. Le pamphlet de Mongo Béti, Main basse sur le Cameroun. Autopsie d’u


[1] Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsista, Kamerun! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, Paris, La Découverte, 2010.

[2] Hunt Nancy Rose, Un État nerveux: Violence, remèdes et rêverie au Congo colonial, Paris, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2024.

[3] Molo Zogo, Brice, Une sociohistoire des catastrophes. État, société et pouvoir au Cameroun Fin XIXe – début XXIe siècle, Thèse de Doctorat 3ème cycle en Sociologie, Paris, EHSS, 2023.

[4] Ralite Christophe, Les processus de politisation au Cameroun: hommes et réseaux 1944-1962., Thèse de Doctorat 3ème cycle en Histoire, Lyon, Université de Lyon 2, 2022.

[5] Cooper Frederick, Français et Africains ? Être citoyen au temps de la décolonisation, Paris, Payot, 2014.

[6] ) Concernant la guerre au Cameroun, les accusations de génocide perpétré par la France dans le Bamiléké pullulent sur le net. Les travaux des historiens ne vont pas dans ce sens.

[7] Ce nécessaire travail symbolique sur un traumatisme fondateur n’est pas propre au Cameroun. Alain Testart a développé une réflexion sur les tensions et contradictions structurelles dynamiques, propres à chaque société, génératrices de transformations sociales : « La contradiction suffit, alors, à expliquer les grandes lignes évolutives de la société. ». La guerre civile états-unienne, l’héritage politique de la Révolution française pour citer quelques exemples connus sont des fractures qui structurent toujours le champ politique. Alain Testart, Principes de sociologie générale, CNRS Editions, « Interdépendances », p. 555.

 

Christophe Ralite

Historien, Enseignant et chercheur associé au LARHRA, Université Lumière Lyon 2

Notes

[1] Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsista, Kamerun! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, Paris, La Découverte, 2010.

[2] Hunt Nancy Rose, Un État nerveux: Violence, remèdes et rêverie au Congo colonial, Paris, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2024.

[3] Molo Zogo, Brice, Une sociohistoire des catastrophes. État, société et pouvoir au Cameroun Fin XIXe – début XXIe siècle, Thèse de Doctorat 3ème cycle en Sociologie, Paris, EHSS, 2023.

[4] Ralite Christophe, Les processus de politisation au Cameroun: hommes et réseaux 1944-1962., Thèse de Doctorat 3ème cycle en Histoire, Lyon, Université de Lyon 2, 2022.

[5] Cooper Frederick, Français et Africains ? Être citoyen au temps de la décolonisation, Paris, Payot, 2014.

[6] ) Concernant la guerre au Cameroun, les accusations de génocide perpétré par la France dans le Bamiléké pullulent sur le net. Les travaux des historiens ne vont pas dans ce sens.

[7] Ce nécessaire travail symbolique sur un traumatisme fondateur n’est pas propre au Cameroun. Alain Testart a développé une réflexion sur les tensions et contradictions structurelles dynamiques, propres à chaque société, génératrices de transformations sociales : « La contradiction suffit, alors, à expliquer les grandes lignes évolutives de la société. ». La guerre civile états-unienne, l’héritage politique de la Révolution française pour citer quelques exemples connus sont des fractures qui structurent toujours le champ politique. Alain Testart, Principes de sociologie générale, CNRS Editions, « Interdépendances », p. 555.