L’eugénisme politique de Trump : sur les êtres jetables
Il n’est pas difficile d’identifier le fil eugéniste qui relie les cibles privilégiées du dédain, du mépris et des animosités de Trump[1]. S’il professe une admiration pour Hitler, prend fait et cause pour Poutine, et adhère à certains principes fascistes plus étroitement qu’il ne le soupçonne lui-même, son programme dévie en réalité vers une orientation plus spécifique que l’on pourrait qualifier avec plus de justesse d’« eugénisme politique », et dont les coupes budgétaires, à l’intérieur comme à l’extérieur des États-Unis, en constituent les mises en œuvre progressives. L’univers qu’il projette est manichéen, hiérarchisé, fondé sur une division radicale entre ceux qui sont voués à prospérer et ceux qui ne font que survivre.

Ses déclarations publiques empreintes d’un darwinisme social brutal et d’un eugénisme revendiqué s’alignent sur son obsession pour le QI et sur ce fantasme adolescent d’appartenir au centile le plus élevé de l’intelligence humaine – une forme de droit du sang, qu’il attribue à l’héritage génétique d’un oncle professeur au MIT (« Un génie. C’est dans mon sang »), mais plus encore à l’empreinte paternelle : un père profondément acquis aux thèses eugénistes, qui, selon Shannon O’Brien dans son étude consacrée à l’eugénisme en politique américaine, l’initia dès l’enfance à la théorie du pur-sang – l’idée selon laquelle « l’union génétique entre une femme supérieure et un homme supérieur donne naissance à une progéniture supérieure[2] ».
Les cibles de Trump couvrent un spectre d’une ampleur vertigineuse, mais n’ont rien d’exceptionnel. Il ne s’en prend pas exclusivement à des groupes ethniques déterminés – bien que la race et l’ethnicité constituent les piliers de sa vision fantasmée de l’Amérique. Comme le montre avec justesse Shannon O’Brien, il ne s’inscrit pas dans un scénario explicitement nazi, mais prolonge un programme eugéniste typiquement américain, hérité de figures centrales de l’État et perpétué, génération après génération,
