Sport

Avoir 20 ans en Arabie saoudite

Journaliste

Le retour en force sur la scène internationale de la monarchie des Saoud après des années d’isolement se joue aussi avec un ballon. Des stars en fin de carrière au premier rang, desquelles Cristiano Ronaldo, sont attirées par Riyad avec des salaires hors de proportion, mais également de très jeunes talents, dans une sorte de désordre temporel témoignant d’un décalage de l’axe de rotation de la planète football.

L’autre nuit, j’ai fait un cauchemar. J’avais 20 ans et l’avenir encore devant moi. J’étais un footballeur prometteur, un solide défenseur surclassé dans les catégories d’âge et régulièrement appelé en sélection nationale. Je jouais dans l’équipe de Nantes, ma ville natale, où j’avais signé mon premier contrat professionnel.

publicité

Et le marché me voyait déjà en haut de l’affiche, en Allemagne, en Angleterre ou en Italie. Bien décidé à empoigner la vie, le cœur léger et le bagage mince, j’étais, moi, certain de conquérir Paris.

Mais du jour au lendemain, je me retrouve à errer dans le désert, défendant les couleurs d’une ville imaginaire. Mon club formateur m’a vendu une fortune, 20 millions d’euros, soit la plus grosse opération financière de son histoire. Pour ma part, je perçois un salaire annuel de 5 millions d’euros nets d’impôts, dix fois ce que je gagnais à Nantes, des émoluments parisiens. D’ailleurs, mon entraîneur est celui du PSG, avant Luis Enrique. Mais je n’aperçois pas la Tour Eiffel, juste des images de synthèse, dans le reflet desquelles s’évanouissent des tribus bédouines. Non loin, il y a une prison, où croupissent des condamnés à mort de mon âge, promis à la décapitation par le sabre.

Je suis comme projeté dans une autre dimension, celle d’un royaume, d’une monarchie absolue, dynastique, islamique et pétrolière, régie de manière autoritaire mais dont le prince héritier au nom frappé d’acronymie promet de sortir la Belle au sable dormant de sa léthargie par le double baiser d’une réforme sociétale et d’un électrochoc écologique. Pour en faire la preuve, ce pharaon des temps modernes ne recule devant rien. Ainsi a-t-il entrepris un chantier mégalomaniaque : faire émerger une ville verte au bord de la mer Rouge. Pas une oasis, une mégapole, la plus grande des mégapoles n’ayant jamais existé, sous la forme de deux gratte-ciels jumeaux hauts de 500 mètres et longs de… 170 kilomètres. Neom se veut une ruche de 9 millions d’habitants. Mais aucune rou


Nicolas Guillon

Journaliste