Politique

Les quatre fers en l’air – exercice littéraire d’instabilité politique

Doctorant en littérature

« Retournée, une table atteint sa stabilité maximale », écrit Nathalie Quintane dans Remarques. Mais à quoi bon ? La stabilité, érigée en point cardinal du second mandat Macron, n’est pas une valeur souhaitable à tout prix, quelle que soit la situation. Sous le parti pris des choses, aboucher l’écrit à la lecture critique d’une situation et se saisir d’un usage politique de la littérature – un exercice du sens dessus dessous.

La littérature est-elle politique ? La question est à la mode. La réponse (des professionnel·les de la profession), automatique : Bien sûr que ce que nous faisons est politique ! – Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement puisqu’affirmer le contraire reviendrait à perdre toute crédibilité (déjà pas géniale) dans l’espace public ?

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La réponse provoque, naturellement, une seconde question : Ah bon ! mais de quelle manière ?, qui, par chance, a de longue date été tranchée dans la profession, où il existe une riposte que chacun·e peut remâcher au besoin, pour ne pas se retrouver acculé·e dès lors qu’iel est sommé·e de justifier sa propre pratique : « Les forces [politiques] qui sont dans la littérature ne dépendent pas de la personne civile, de l’engagement politique de l’écrivain, qui, après tout, n’est qu’un “monsieur” parmi d’autres, ni même du contenu doctrinal de son œuvre, mais du travail de déplacement qu’il exerce sur la langue » (Roland Barthes), c’est-à-dire que « la littérature fait de la politique en tant que littérature » (Jacques Rancière) – histoire, quand même, de ne pas trop se compromettre. « C’est quand même un peu plus compliqué que ça, c’est-à-dire bien plus simple[1]. »

Pour ma part, je suggérais, dans un article récent, que si nous souhaitions donner un peu plus d’élan à la littérature qu’elle n’en a actuellement, il serait peut-être judicieux de se demander moins ce qu’elle fait, la manière par laquelle la littérature agirait sur le monde avec nécessité (ou, pis encore car cela démontre que, concrètement, personne ne voit vraiment ce que la littérature fait, ce qu’elle peut faire), que ce que chaque lecteurice fait, dans sa vie, de tel livre de poésie ou de telles recherches en sciences sociales. Autrement dit, quelle utilité pratique confère-t-on aux Voyages de Gulliver comme au Parti pris des choses, aux ballades de Christine de Pizan comme aux improvisations de Christophe Tarkos, dans diverses situations ordinaires et suivant


[1] Nathalie Quintane, « Astronomiques Assertions », in « Toi aussi, tu as des armes ». Poésie & politique (dir. Jean-Christophe Bailly, Jean-Marie Gleize, Christophe Hanna et alii), La Fabrique, 2011.

[2] Nathalie Quintane, Remarques, Cheyne, 1997.

[3] Nathalie Quintane, Tomates, P.O.L, 2010.

[4] Nathalie Quintane, « Beaucoup d’intentions, assez peu de crimes », in Contre la littérature politique, (dir. Pierre Alferi, Leslie Kaplan, Nathalie Quintane et alii), La Fabrique, 2024.

[5] Nathalie Quintane, Jeanne Darc, P.O.L, 1998.

[6] Nathalie Quintane, « Astronomiques assertions ».

Guillaume Follet

Doctorant en littérature

Notes

[1] Nathalie Quintane, « Astronomiques Assertions », in « Toi aussi, tu as des armes ». Poésie & politique (dir. Jean-Christophe Bailly, Jean-Marie Gleize, Christophe Hanna et alii), La Fabrique, 2011.

[2] Nathalie Quintane, Remarques, Cheyne, 1997.

[3] Nathalie Quintane, Tomates, P.O.L, 2010.

[4] Nathalie Quintane, « Beaucoup d’intentions, assez peu de crimes », in Contre la littérature politique, (dir. Pierre Alferi, Leslie Kaplan, Nathalie Quintane et alii), La Fabrique, 2024.

[5] Nathalie Quintane, Jeanne Darc, P.O.L, 1998.

[6] Nathalie Quintane, « Astronomiques assertions ».