G.U.E.R.R.E.
Dans un chant de louange mariale interprété par Fayrouz au monastère de Sayyidat al-Natour, au printemps 2015, le nom de Marie se déploie en lettres de dévotion, Meem Ya Reh Yeh Meem (M.A.R.Y.A.M.), comme si le secret du mot ne devait jamais se laisser capturer ni se donner tout entier. Le nom surgit puis se retire, il fait signe sans jamais se livrer.

Écrire la guerre n’est jamais la dire. Dans certaines traditions coptes, les noms sacrés ne se prononcent pas d’un seul souffle mais se laissent approcher lettre après lettre, comme si la langue tournait autour d’un centre brûlant pour n’en laisser paraître que l’éclat. Ce geste apparaît dans les psalies alphabétiques des Veilles de Kiahk, où les strophes s’ordonnent en acrostiche et composent une poétique de la révérence. Dire devient alors un mouvement de retenue, une manière de faire advenir une présence sans déclamation.
J’aborde la guerre en l’épelant, pour déplacer son poids, éviter l’emprise du bloc, refuser qu’elle s’érige en monument. Chaque lettre devient fragment, survivance. Mon travail de dessin, de sculpture et d’image en mouvement cherche cet espace où la figure apparaît en se soustrayant, où l’on construit un nom sans jamais le prononcer. Écrire la guerre par fragments, c’est la laisser passer entre les doigts, la garder et la perdre dans un même geste, comme on garde et on perd un disparu. Le deuil n’achève rien, il recommence. Il n’efface pas, il creuse. Il n’enterre pas, il veille. L’acrostiche devient veille, manière d’accompagner ce qui ne cesse de revenir.
G — Gris était le ciel de l’été 2006 à Beyrouth
Le gris est la couleur de la guerre. En 2006, Israël a lancé une offensive de trente-trois jours contre le Liban. Cet été-là, le gris a remplacé le bleu du ciel, la couleur s’est transformée en matière. Le gris n’a pas seulement suspendu la lumière, il l’a rendue opaque, granuleuse, saturée de poussière. Par ma fenêtre, je regardais la valse des navires militaires qui évacuaient les ress
