Opinion

Les politiques culturelles ont-elles un rôle à jouer dans l’adaptation des territoires au changement global ? Peuvent-elles, à l’échelle locale, donner aux habitants sens et capacités pour engager les réorientations écologiques indispensables ? Faut-il aller jusqu’à renforcer leurs moyens afin d’élargir leurs missions, leurs objectifs et leurs publics ?

Ces questions ulcéreront les plus conservateurs, attachés à un système extractivo-capitaliste toujours plus destructeur et inique, dont les visées sont contrecarrées par les politiques culturelles les plus émancipatrices, favorables aux droits culturels, voire à la prise en compte des droits des vivants non humains. Elles irriteront aussi les tenants de la rigueur budgétaire, soucieux de rééquilibrer les finances publiques, et qui voient dans la culture un gisement d’économies faciles. Alors que l’accélération du changement global et la gravité de ses manifestations estivales — canicule, sécheresse, incendies — sont encore dans tous les esprits, les adeptes de transitions « sérieuses » et de leur solutionnisme industrialo-technocratique jugeront ces interrogations inopportunes, susceptibles de nous écarter des vraies priorités. Quant aux défenseurs des politiques culturelles les plus traditionnelles, centrées sur le patrimoine et les équipements, ils pourraient voir d’un mauvais œil cette incursion dans leur pré carré.

L’hypothèse que je défends est que, malgré la largeur du banc des récalcitrants, ces questions ne sauraient être évitées plus longtemps. Les crises sociales, environnementales, budgétaires et démocratiques se conjuguent désormais jusqu’à menacer non seulement nos modes de vie, mais aussi l’habitabilité de nos territoires. On ne surmontera pas l’épreuve anthropocène sans interroger l’ordre et la raison — autrement dit la culture — qui guident le monde moderne actuel. Pour cela, la sensibilité est essentielle : depuis les attachements ordinaires qui rythment nos existences jusqu’aux pratiques a