Quand les « savants » prennent la pose
Dans les nombreuses photographies de Trump, avant ou après son accession au pouvoir, on le voit gesticuler, serrer les poings, haranguer la foule, lever le pouce en signe de victoire, voire engager un déhanchement lorsque passe un de ses morceaux favoris. En 2011, sur la proposition de Peter Yang, il accepte de se mettre en scène autrement, bizarrement à vrai dire depuis que l’on connaît et subit son anti-intellectualisme, en prenant la pose du penseur de Rodin[1]. Assis sur un tronc d’arbre doré, c’est la tête posée sur son poing que Trump joue un bref instant à l’homme de savoir, au penseur.

L’attitude n’est pas si exceptionnelle et a été utilisée pour représenter la supériorité du souverain sur ses sujets tout en leur inspirant respect et soumission. C’est ce qui transparaît, par exemple, du célèbre « Lincoln assis », peint en 1887 par George Peter Alexander, et désormais visible à la Maison Blanche[2]. Cette pose fait partie de ce dispositif complexe que Louis Marin appelait le « portrait du roi » qui à la fois vise à présenter l’homme de pouvoir et en même temps à imposer sa présence[3].
Cependant, et lorsque Trump décide de prendre la pose, celle-ci n’est plus, depuis longtemps déjà, une manière de manifester l’action de la pensée, encore moins de montrer son appartenance à une élite intellectuelle. Devenu un simple motif, un lieu commun, l’attitude pensante a été vidé de son sens premier, perdant une bonne part de sa substance sémantique.
Dans le cas de Trump, il est possible de faire une autre hypothèse, car il a pu délibérément choisir cette pose parfaitement reconnaissable du penseur pour mieux tourner en dérision l’activité intellectuelle dans son ensemble, et d’abord l’inaction du savant qui est pour lui un individu profondément attentiste, pétrifié par les possibles effets de ces découvertes… Tout le contraire d’un homme politique sans scrupule dont le mantra est, on le sait, l’action et le changement, même si celui-ci est parfois dangereuseme
