La résistance et sa lumière : dans la pénombre des grands fonds marins
Éclairer permet-il toujours de mieux voir ?
Mieux voir permet-il toujours de mieux connaître ?
Mieux connaître permet-il toujours de prendre soin ?
L’océan obscur reste aujourd’hui encore un mystère. Ce monde sans soleil commence à partir de 200 mètres sous la surface, pour une profondeur moyenne de 3 800 mètres, et malgré l’absence de lumière solaire, recouvre des biotopes riches, massifs, anciens et très diversifiés, dont la biomasse totale supplante tout autre biotope planétaire.

Bien que représentant plus de 90% du volume océanique total, recouvrant ainsi l’immense majorité de notre surface planétaire, bien qu’étant indispensable aux équilibres atmosphériques et à la vie sur Terre en général, bien que l’océanologie ait fait des progrès immenses depuis les années 1970 et surtout depuis une vingtaine d’années avec les technologies de « remote sensing » (que l’on pourrait traduire par « captation à distance »), la quasi-totalité des grands fonds marins demeure un point aveugle de la cosmologie occidentale.
Ou presque.
Peu d’humains peuvent arpenter ces volumes profonds, et jamais sans un appareillage technico-industriel très onéreux : navires, submersibles, sondes, robots, sonars… Pourtant les fonds marins sont parsemés depuis le XIXe siècle de câbles – d’abord télégraphiques puis optiques pour l’ensemble des réseaux numériques ; ils sont déjà raclés par les chaluts de pêche industrielle ; sont la déchetterie des technologies spatiales et militaires, y compris radioactives, chimiques, etc. ; sont en passe d’être exploités pour leurs ressources minières et génétiques ; seront dans un futur proche prospecté pour des projets de géo-ingénierie climatique.
Un imaginaire exerce ici son hégémonie, celui de la disparition. Selon cet imaginaire, l’océan profond pourrait tout engloutir, nos déchets, nos excès, notre mauvaise conscience, nos fantasmes invivables. L’océan obscur serait un immense trou noir au cœur de notre planète,
