Adnan Çelik
– Cent ans plus tard, les Kurdes au bord de la survie
– Dans la Turquie d’Erdoğan, l’arme judiciaire au service du négationnisme d’État ?

Le 29 octobre 2023, c’était le centenaire de la fondation de la République de Turquie. Des commémorations, des conférences, des célébrations, des émissions de radio et de télévision, des films documentaires, des podcasts, des numéros spéciaux de magazines et des livres ont vu le jour dans de nombreux domaines.
Pour les Kurdes, c’était aussi le centenaire du Traité de Lausanne, qui a divisé le territoire du «Kurdistan historique» entre la Turquie, l’Irak et l’Iran.

Le 24 avril 1915 marque le début du génocide des Arméniens. Durant la plus grande partie du XXe siècle, la censure a été dans la Turquie républicaine le moyen essentiel d’empêcher l’expression et la circulation d’un grand nombre de récits et d’idées dérangeantes pour le pouvoir ou l’histoire officielle.
Cent neuf ans après, l’arme judiciaire continue, dans la Turquie d’aujourd’hui, à être employée au service de l’histoire officielle (toujours négationniste) contre les acteurs engagés dans un travail de confrontation avec le passé, de mémoire, et de reconnaissance.

Adnan Çelik est docteur en anthropologie sociale et ethnologie de l’EHESS. Maître de conférences à l’EHESS avec la chaire intitulée «Situations de violence et conflictualité interne : Une anthropologie politique et historique du clivage et du conflit dans les sociétés kurdes au Moyen-Orient (XIXe-XXIe siècles)». Spécialiste des peuples minorisés, surtout en Turquie, il s’intéresse à la violence politique et aux formes discrètes de résistance, aux conflits intra et interethniques, aux études mémorielles, à l’histoire kurde notamment, au génocide des Arméniens et à l’activisme transnational kurde.