Culture

Jean-Marcel Saint-Jacques : « Dans l’art du masque, je suis encore un bébé »

Historienne de l'Art

Depuis quelques semaines, il s’affiche partout dans Paris, de face et dans un costume qu’il a créé pour le carnaval de Mardi Gras de la Nouvelle-Orléans : l’artiste et plasticien Jean-Marcel Saint-Jacques est un « Black Indian », l’un de ces descendants d’esclaves interdits de célébrer leur culture par les Blancs et qui ont choisi d’honorer la résistance des tribus Amérindiennes. Anne Lafont a rencontré cet ancien rappeur dans son atelier du quartier de Treme où il pratique l’art du masque, auquel il apporte ses conceptions visuelles inspirées du travail du bois.

L’exposition du musée du Quai Branly « Black Indians » met à l’honneur l’art traditionnel du masque à La Nouvelle-Orléans, c’est-à-dire la culture africaine-américaine qui, au cours des deux derniers siècles, s’est déployée en marge du carnaval de Mardi Gras. Costumes et masques sophistiqués, extravagants et prestigieux dans lesquels se meuvent des personnages empruntant à l’iconographie dite indienne, font l’objet d’une des salles les plus impressionnantes de l’exposition temporaire.

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L’affiche, qui a aussi servi de couverture au catalogue, montre l’un de ces « Black Indians » : Jean-Marcel Saint-Jacques. Il pose de face, vêtu d’un costume et chaussé de bottes en daim, arborant des tabliers cousus de perles ou ornementés de symboles africains. L’habit est auréolé d’une parure de grandes plumes bleu turquoise. L’effet de l’image est saisissant. Saint-Jacques est à la fois l’auteur du costume et celui qui l’incarne et l’anime dans le cadre du carnaval. À cette période de l’année, les différentes tribus (Black Indian Tribes) de La Nouvelle-Orléans rivalisent dans des défilés où s’évalue, sur le plan esthétique, cette œuvre d’art totale qu’est l’art du masque. Car ce sont les costumes, les chants, les musiques et la constitution d’une tribu, d’un gang, d’une équipe intense et harmonieuse, qui président à l’émulation, elle-même nourrie par la lente et secrète fabrication de costumes annuels au sein des clans familiaux.

Saint-Jacques se laisse approcher difficilement mais consent enfin à un entretien sur l’ensemble de sa production, dans le respect de quelques règles lui garantissant une forme d’anonymat. Il parlera de la confection et de la performance des masques, de son travail plastique de sculpteur et de son activité ancienne de rappeur. Le témoignage de cet artiste africain-américain de la Louisiane, engagé dans une tradition culturelle complexe, autant que dans la sauvegarde du patrimoine urbain de son quartier : Treme, mais encore dans la transmission d’


Anne Lafont

Historienne de l'Art, Directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)