International

Violences, guerres et divisions : actualité du « brasier kurde »

Anthropologue

Partagé depuis la fin de la Première guerre mondiale entre la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie, le territoire du Kurdistan est de longue date théâtre d’agressions et de répressions. Partie de billard à trois bandes entre puissances régionales et internationales sur fond de guerre syrienne et d’hégémonisme turc et iranien, la perspective kurde est proche de l’impasse malgré la sensibilisation croissante de l’opinion publique mondiale. En jeu : moins le droit à l’auto-détermination que celui, plus fondamental encore, à la survie.

Le Kurdistan, théâtre de résistances multiples et de répressions sanglantes récurrentes au moins depuis sa division en quatre au sortir de la Première guerre mondiale, est embrasé dans son entier, depuis près d’une décennie par une nouvelle séquence de guerre(s). États nationaux, acteurs internationaux et organisations non étatiques y jouent chacun leur partie, souvent au vu d’enjeux bien éloignés des préoccupations de vie et de survie des habitants des zones concernées.

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La séquence de violences actuelle est née dans la foulée du déclenchement de la guerre civile en Syrie (2011), s’est complexifiée avec la montée en puissance d’organisations islamistes radicales telles que l’État islamique et Al-Nusra, engendrant l’implication de plusieurs puissances dans le conflit, s’est amplifiée avec la mise en œuvre par les Kurdes syriens, au milieu de cette tourmente, d’une autonomie fondée sur l’autodéfense et l’autogouvernement (l’expérience du Rojava, rebaptisée Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie en 2018), s’est étendue avec le retour à des pratiques répressives et agressions militaires de l’État turc contre le mouvement kurde de son territoire et les régions kurdes des pays voisins (Irak et Syrie), achevant de réanimer avec une puissance inégalée le « brasier » hautement inflammable attaché à la « question kurde », irrésolue depuis plus d’un siècle. Ce tableau est complété par la toute récente contestation de masse qui enfle en Iran, après l’assassinat d’une jeune femme kurde par la police du régime, protestations civiles engendrant une répression assassine, qui vise les habitants et régions kurdes de ce pays avec une sévérité toute particulière.

Historiquement, c’est la première fois que les quatre parties du Kurdistan sont embarquées simultanément dans la tourmente, sous la menace et l’exécution de déferlantes de violence d’origine diverses, s’accumulant les unes aux autres, laissant une marge de manœuvre des plus réduites aux acteurs du te


Adnan Çelik

Anthropologue, Maître de conférences à l’EHESS