Numérique

Ni ange, ni démon : l’IA au service de l’action publique ?

Informaticien, Enseignant, ancien ministre

Les services publics seront-ils profondément transformés par les progrès de l’IA, qui fascinent et inquiètent depuis le succès de l’agent conversationnel ChatGPT ? La révolution n’est pas encore là, mais son intégration, tout en présentant des opportunités indéniables, interroge les principes d’égalité, de continuité ou de transparence du service public. Il appartient à l’État, désormais, de définir les « règles du jeu » en la matière, processus qui ne peut être mené sans les citoyens.

Avec une régularité de métronome, de nouvelles applications de l’intelligence artificielle font l’objet chaque mois d’une médiatisation mondiale. La dernière en date, ChatGPT, est un robot conversationnel aux performances langagières sans précédent qui fascine grâce à ses créations littéraires et sa capacité de dialogue tous azimuts. Créé par la société Open AI, il aurait avalé 570 gigaoctets de données, puisque c’est ainsi que se construit aujourd’hui l’IA, par l’ingestion massive de paramètres puisés sur le web.

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De son côté, Elon Musk met en avant les performances d’Optimus, construction humanoïde de Tesla, capable d’assurer des fonctions jusqu’ici dévolues aux humains et qui, produite par millions, « changerait la civilisation ». Remplacera-t-il bientôt le facteur ou le policier sur un carrefour ? Et on peut parier que la reconnaissance faciale préconisée pour prévenir des incidents lors des JO de Paris sera un prochain sujet de controverse.

Dans d’innombrable organisations publiques ou privées, l’intelligence artificielle prend progressivement une place inimaginable il y a encore dix ans. L’accélération, permise par des apprentissages engloutissant des masses considérables de données et d’images, n’est pas un mythe.

Mais qu’en est-il réellement dans le monde public ? Où trouver les promesses tenues et les expérimentations marquantes ? Et surtout, qui assume la responsabilité d’éclairer et de maitriser le déploiement de ces nouveaux systèmes auxquels beaucoup prêtent un immense avenir sans pouvoir en identifier ni l’agenda, ni les risques ? C’est désormais une question centrale pour nos sociétés. L’enterrer, par haine de la complexité, par indifférence ou pour protéger des intérêts puissants seraient une faute démocratique majeure.

Il importe surtout de comprendre comment les autorités publiques, les développeurs numériques et les entreprises, les citoyens/usagers jouent – ou ne jouent pas – un rôle dans l’histoire de l’IA mobilisée pour la transformati


[1] Pour un plaidoyer radical contre « les coûts sociaux, démocratiques et environnementaux » de l’IA, Kate Crawford, Contre-atlas de l’intelligence artificielle, Zulma, 2022 (pour la trad. française), et pour les usages de renseignement et de défense, l’externalisation de fonctions régaliennes, le chapitre 6, L’État.

[2] « Intelligence artificielle et action publique, construire la confiance, servir la performance », Conseil d’État, 2022.

[3] Par exemple, lire Ian McEwan, Une machine comme moi (Machines Like Me, trad. France Camus-Pichon, Gallimard « Du monde entier », 2019 ; ou encore Alain Damasio, Scarlett et Novak, éditions Rageot, 2021. La science-fiction n’a pas seulement exploré, mais aussi inspiré les étapes du numérique et de l’IA : Sam Gilbert, L’économie politique du metavers, Ifri, 2022.

Daniel Le Métayer

Informaticien, Docteur en informatique, Consultant indépendant

Christian Paul

Enseignant, ancien ministre

Notes

[1] Pour un plaidoyer radical contre « les coûts sociaux, démocratiques et environnementaux » de l’IA, Kate Crawford, Contre-atlas de l’intelligence artificielle, Zulma, 2022 (pour la trad. française), et pour les usages de renseignement et de défense, l’externalisation de fonctions régaliennes, le chapitre 6, L’État.

[2] « Intelligence artificielle et action publique, construire la confiance, servir la performance », Conseil d’État, 2022.

[3] Par exemple, lire Ian McEwan, Une machine comme moi (Machines Like Me, trad. France Camus-Pichon, Gallimard « Du monde entier », 2019 ; ou encore Alain Damasio, Scarlett et Novak, éditions Rageot, 2021. La science-fiction n’a pas seulement exploré, mais aussi inspiré les étapes du numérique et de l’IA : Sam Gilbert, L’économie politique du metavers, Ifri, 2022.