Jardins de la merci
L’illégalisation des frontières tout autour de l’Europe fait des milliers de morts chaque année. On s’y perd moralement, car on a beau connaître l’ampleur du désastre, c’est en toute impuissance. On le sait moins mais on s’y perd aussi sur les plans juridiques et administratifs. On n’a pas fini de découvrir et de raconter les conséquences de l’illégalisation des voyages et des personnes sur les institutions elles-mêmes. Tout se passe comme si, dans la partie du monde encore libre de ses mouvements, on faisait tout pour se raccrocher aux cadres connus.

Créer des ONG et des programmes pour compenser ce que l’illégalisation des déplacements provoque, s’arc-bouter d’autant plus, quand il s’agit de personnes sans droits, sur les valeurs dont on est soudain sûr qu’elles nous constituent – et rater complètement son but. Produire cela même qu’on voulait éviter. Mon immersion dans un centre pilote d’accueil de mineur.e.s accompagné.e.s en Andalousie, engagé contre la traite et la violence faite aux femmes et aux enfants sur la route migratoire, donne une idée, je crois, de l’étendue de la confusion et des malentendus.
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Los jardines de la merced, à Cordoba. Un monsieur est venu m’en demander le nom, j’ai pensé que comme moi il y rencontrait un peu de paix. Les hommes prient devant la porte de la mosquée du jardin. Le chant du guide de prière s’élève, longuement, les gestes suivent, debout, assis, mains données, genoux à terre. Des enfants jouent non loin, de retour de l’école, nombreux à porter l’uniforme bleu. Un petit chien vient me lécher les mains. Après ça, les hommes de la prière se rechaussent, ils s’attendent les uns les autres, puis s’éloignent. Je pense à l’autre tendresse, tellement inattendue : celle de Montilla, ce matin.
Le jeune homme et moi, on se demandait si c’était le bon lieu pour attendre puisqu’il n’y avait aucune indication. Quand le bus est arrivé, celui pour Cordoba, il fallait de l’argent liquide et je n’en avais pas. Le chauffeur ne voula