Daniel Defert : archives et actualité d’un legs
En 2013, Daniel Defert m’a accordé un entretien pour préparer une édition augmentée d’Herculine Barbin[1]. En 1978, Michel Foucault avait complété par quelques archives les « Souvenirs et impressions d’un individu dont le sexe avait été méconnu », publiés une première fois en 1874 par le médecin légiste Ambroise Tardieu après le suicide d’Abel Barbin.

Pour l’édition en anglais de 1980, Foucault avait ajouté une préface : « Le vrai sexe ». Dans ma postface de 2014, « Le vrai genre », j’ai relaté la quête qui aura permis de recouvrer à la fois le nom et le prénom de ce « pseudo-hermaphrodite », selon la médecine, dont le récit fait désormais référence pour le mouvement intersexe. Car « on ne savait pas où ça s’était déroulé, on n’en avait aucune idée : dans le manuscrit, il n’y a que des initiales », raconte alors Daniel Defert. Avec son compagnon, ils ont dû partir à la recherche d’archives.
Souvenirs d’Herculine Barbin
« Foucault avait très envie d’un film. En fait, c’était une idée d’Hervé Guibert ». Celui-ci « a travaillé tout de suite sur un scénario qu’il a proposé à Adjani. Adjani, assez perverse, avait suggéré que le rôle de garçon soit tenu par elle, le rôle de fille par son frère ; elle avait pensé que ce serait un jeu entre eux assez curieux. » En 1977, après une visite à sa famille, Foucault prend donc la route avec son compagnon pour un « repérage de film ». « Comme il était question d’une île de l’Atlantique, en quittant Poitiers, on est descendus pour faire les îles de l’Atlantique. Il se trouve qu’il y avait un pont à Oléron ; il n’y en a pas pour aller à l’île de Ré. » À l’arrivée, « on a laissé la voiture, et on a commencé à marcher sur la plage. Et à un moment, je crois que c’est en voyant un bois de pins, Foucault dit : “c’est ici !” Avait-il préparé son coup avant ? C’est une idée qui m’est venue après… Il m’a dit : “C’est tellement bien décrit – il faut marcher, on va arriver sur une croix”. On a marché, et on est arrivés à une croix. “