Littérature

Éditer des inédits – à propos de volumes de Kurt Schwitters et de Francis Picabia

critique

Deux maisons d’édition publient pour la première fois en français des textes de Kurt Schwitters et de Francis Picabia, deux acteurs contemporains de l’avant-garde de la première moitié du XXe siècle. Cette simple coïncidence éditoriale invite à comparer ces deux inédits, même si ce sont, in fine, les choix éditoriaux qui semblent le plus discriminer ces recueils.

Sans doute est-ce une simple coïncidence éditoriale, mais il était tentant de rapprocher ces deux volumes. Le premier, Homme par-dessus bord. Proses 1931-1947, rassemble des textes brefs, écrits par Kurt Schwitters (1887-1948), dont la plupart sont traduits en français pour la première fois par Sabine Macher, auteure d’une postface facétieuse. Le second, Lettres & Poèmes à Gabriële, rassemble des lettres et des poèmes de Francis Picabia (1879-1953) destinés à Gabriële Buffet, sa première épouse et son amie de toute la vie, avec une double préface signée par deux arrière-petites-filles de celle-ci. Deux peintres donc, ou plutôt deux artistes, deux hommes au génie-talent insolent, deux acteurs de l’avant-garde de la première moitié du XXe siècle. Mais deux éditions à l’économie et à l’esprit très différents, qui invitent plutôt à dissocier, voire à opposer les deux recueils.

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Kurt Schwitters, un Homme par-dessus bord

De Kurt Schwitters, que connaissent les lecteurs français ? Ses collages, essentiellement grâce à une grande exposition qui eut lieu au centre Pompidou en 1994-95, mais c’était au siècle dernier. Ils connaissent aussi ses liens avec le mouvement dada, autrement dit son impertinence, son inventivité, sa rébellion contre la violence et la guerre que s’infligent les hommes ; en vérité Schwitters s’est très vite séparé du mouvement dada pour créer son courant, que dis-je, son monde, appelé Merz, abréviation moqueuse de l’appellation Commerzbank. Ils ne savent sans doute pas, ou alors ils ont oublié que Schwitters quitta l’Allemagne en 1937 pour suivre son fils, menacé, qu’il s’exila avec lui en Norvège, puis en Angleterre, où l’artiste mourut à 60 ans à peine. Son corps ne fut rapatrié en Allemagne qu’en 1970 et inhumé dans sa ville natale, Hanovre, que l’artiste appelait Revon. Il avait anticipé le verlan puisque ce nom est l’inverse de Hanovre, auquel Kurt a soustrait les deux premières lettres, H et A.

Si nous commençons par ses données biographiq


Cécile Dutheil de la Rochère

critique, éditrice et traductrice