Société

Il faut révolutionner les savoirs scolaires ! (2/2)

Chercheur en sciences de l'éducation

S’il est urgent de transformer radicalement la politique scolaire française en prenant enfin en compte les savoirs, il serait toutefois d’un aveuglement coupable de croire qu’il est possible de légiférer en matière d’éducation dans un seul pays sans se préoccuper dès l’origine de l’aspect international des questions, de la privatisation de l’accès aux savoirs à l’omniprésence étatique.

Lors des campagnes électorales en France, on peut être étonné de constater que les programmes des principaux partis ne réservent qu’un chapitre parmi d’autres à l’École et à la politique éducative qu’ils prônent. Le chapitre « éducation » s’apparente davantage à la description technique de ce que devrait être un service public, qu’à une réflexion stratégique définissant la fonction de l’École au cœur de la politique générale.

Pourtant, à plus d’un titre, l’École ne devrait pas être traitée comme un chapitre de la politique d’État parmi d’autres. Dans la période actuelle, elle mérite un débat politique de haut niveau, pour plusieurs raisons.

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Tout d’abord, la révolution à laquelle le souci de la Terre et du vivant oblige tous les humains est une révolution éducative à opérer, dans les savoirs comme dans leur partage au sein de toute la société. Or l’État est souvent amené par l’idéologie néo-libérale à se « désengager » de cette mission d’éducation.

Ensuite, les sociétés contemporaines sont suffisamment traversées par des questions nouvelles et redoutables relatives aux savoirs, à leur diffusion, aux critères de vérité, comme à l’organisation et à l’usage de la recherche scientifique, pour que le débat sur l’École, et plus généralement l’éducation, accueille ces questions.

Par sa fonction de formation des jeunes esprits, l’École a nécessairement une part importante sur la redéfinition de l’imaginaire social des sociétés humaines et peut devenir, selon l’UNESCO, un « socle de renouveau et de la transformation de nos sociétés [1]».

Enfin, l’éducation dans la mondialisation, quel que soit le degré de l’acceptation ou de rejet par les sociétés de cette mondialisation, pose aussi la question du mode de souveraineté éducative que doivent définir les États. Cette souveraineté doit-elle être totale, comme aux beaux temps des nationalismes aveugles, ou d’ordre constitutionnel, ou bien renvoyée au seul pouvoir exécutif de passage comme c’est le cas en France, alors qu


[1] Voir notre première partie : « Il faut révolutionner les savoirs scolaires ! (1/2)» , AOC.

[2] Présupposé qui s’est imposé jusqu’en Europe (aucune compétence commune en éducation dans les traités fondateurs).

[3] M.Bray, The Shadow Education system: Private Tutoring and its implications for planners, UNESCO, 2007, 101 pages. C’est l’ombre au sens anglais, de ce qui accompagne une réalité. Tous les ouvrages ultérieurs de Bray ont, région après région, inventorié cette réalité devenue mondiale.

[4] Nous renvoyons ici au numéro qu’en 2018 la Revue internationale d’éducation de Sèvres a consacré aux « conflits de vérité à l’école », sous la direction de Laurence Cornu, et en particulier sur les articles consacrés aux États-Unis et à la Turquie.

[5] E. Duflo, « Esther Duflo au Collège de France : Les programmes scolaires sont inadaptés au enfants », interview par News tank, 4 janvier 2023.

[6] N. Wallenhorst, Qui sauvera la planète ? Les technocrates, les autocrates ou les démocrates…, Arles, Actes Sud, 2022, 288 pages.

[7] Tel que nous avons commencé de le configurer dans le cadre du Collectif d’interpellation curriculaire (CICUR).

Roger-François Gauthier

Chercheur en sciences de l'éducation, Professeur associé à l'université Paris-Descartes

Notes

[1] Voir notre première partie : « Il faut révolutionner les savoirs scolaires ! (1/2)» , AOC.

[2] Présupposé qui s’est imposé jusqu’en Europe (aucune compétence commune en éducation dans les traités fondateurs).

[3] M.Bray, The Shadow Education system: Private Tutoring and its implications for planners, UNESCO, 2007, 101 pages. C’est l’ombre au sens anglais, de ce qui accompagne une réalité. Tous les ouvrages ultérieurs de Bray ont, région après région, inventorié cette réalité devenue mondiale.

[4] Nous renvoyons ici au numéro qu’en 2018 la Revue internationale d’éducation de Sèvres a consacré aux « conflits de vérité à l’école », sous la direction de Laurence Cornu, et en particulier sur les articles consacrés aux États-Unis et à la Turquie.

[5] E. Duflo, « Esther Duflo au Collège de France : Les programmes scolaires sont inadaptés au enfants », interview par News tank, 4 janvier 2023.

[6] N. Wallenhorst, Qui sauvera la planète ? Les technocrates, les autocrates ou les démocrates…, Arles, Actes Sud, 2022, 288 pages.

[7] Tel que nous avons commencé de le configurer dans le cadre du Collectif d’interpellation curriculaire (CICUR).