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Un Parlement privé du vote de la loi, une démocratie sans souffle

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Un Président de la République peut-il réellement considérer que la composition de l’Assemblée nationale issue des urnes importe peu en choisissant d’éviter le vote dès lors qu’il n’a plus la garantie de 289 députés aux ordres ? C’est le principe de confiance démocratique qu’il risque ainsi de grandement, dangereusement et durablement abîmer.

«Ce qui nous préoccupe le plus actuellement, mes chers collègues, c’est ce spectacle qui recommence devant nous : une motion de censure qui fait suite à une question de confiance, après des débats internes à la majorité, après des tentatives de compromis qui n’ont pas réussi, avec des volontés qui s’opposent, et sans doute des intérêts, chaque groupe de la majorité estimant certainement avoir ses raisons qui ne sont pas conciliables avec les raisons de l’autre. »

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Ces mots pourraient être à la lettre ceux d’un député s’exprimant le 20 mars 2023 en faveur de la motion de censure transpartisane déposée par le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) suite au déclenchement le 16 mars par le gouvernement d’Elisabeth Borne de l’article 49.3 pour que soit adopté sans vote le projet de loi retraite. Ils sont ceux du député François Mitterrand le 6 décembre 1979, en ouverture d’une prise de parole expliquant le choix des socialistes et des radicaux de gauche de voter la censure, alors que le gouvernement de Raymond Barre avait engagé sa responsabilité sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ces mots pointent le caractère particulièrement sensible du recours par un Premier ministre à l’article 49.3 lorsque cet instrument constitutionnel est déclenché pour éviter un vote à l’issue incertaine, après la mise en scène de journées de tractation en coulisse (et entre les murs du Palais de l’Elysée dans le cas présent). Le Parlement n’est dès lors plus considéré que comme une simple chambre d’enregistrement, devant laquelle la loi est mise aux votes s’il y a garantie qu’elle soit adoptée, et que l’article 49.3 permet de contourner en cas de résultat contingent.

L’existence d’un levier constitutionnel légitime-t-elle son utilisation quelles que soient les circonstances ? Lors de sa conférence de presse du 31 janvier 1964 à l’Elysée, le général de Gaulle, alors Président de la République, soulignait qu’« une Constitution, c’est un es


[1] La rédaction de l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution était la suivante dans sa version antérieure à la révision constitutionnelle de 2008 : « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. »

Agathe Cagé

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Notes

[1] La rédaction de l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution était la suivante dans sa version antérieure à la révision constitutionnelle de 2008 : « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. »