Séries télé

La nacelle de la révolution vogue sur un fleuve de sang – à propos d’Esterno Notte de Marco Bellochio

Écrivain

Vingt ans après Buongiorno, notte, Marco Bellocchio revient, dans Esterno notte, sur l’enlèvement et l’assassinat, par les Brigades rouges, en 1978, d’Aldo Moro. L’événement historique est, on le sait, majeur. La mini-série en six épisodes, diffusée sur Arte, donne l’intelligence de la situation sans l’imposer, investit la part d’énigme qui la sous-tend, ouvre les pistes par sa construction même. Mini-série peut-être, mais grand cinéma.

On a dit que les trois premières saisons de The Crown avaient rendu service à la monarchie britannique avant que les deux dernières ne tendent à la desservir. Peut-être. Au moins, la question ne se pose pas avec Esterno notte. D’abord, parce que c’est une « mini-série » qui ne correspond qu’à une « mini-saison », ensuite parce que ni la République italienne ni la démocratie n’en sortent grandies ou, un tant soit peu, auréolées. Le cinéma, si.

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Esterno notte raconte l’histoire de l’enlèvement d’Aldo Moro par un commando des Brigades Rouges au printemps 1978. Il le raconte dans un film qui a été découpé – et conçu – en six épisodes d’une cinquantaine de minutes, soit cinq heures. La télévision l’a diffusé selon deux formats : soit deux soirées, soit une série de six épisodes. Le voir d’une traite, si je puis dire, lui donne à l’évidence davantage d’ampleur. D’ailleurs, rien n’empêche d’enchaîner les six épisodes à la suite. Mais jamais un appartement même obscur ne remplacera une salle de cinéma. Les spectateurs du festival de Cannes ont eu cette chance le 18 mai 2022 sur le grand écran de la salle Debussy. Les spectateurs de la Cinémathèque l’ont eue à leur tour le 3 décembre et s’en sont pareillement réjouis. Il s’agit là d’une expérience à la fois exceptionnelle et déjà consacrée – Novecento de Bertolucci, Jeanne la pucelle de Rivette, Le soulier de satin d’Oliveira, Senses d’Hamaguchi, etc. C’est dire que Esterno notte est bien du cinéma – et du grand cinéma.

La télévision a donc le mérite de lui offrir un support supplémentaire et un public élargi. La diffusion sur Arte a tourné autour du demi-million de téléspectateurs mais il est encore possible de le voir en rediffusion sur le site de la chaîne. Sur la RAI, la chaîne publique italienne, le nombre des téléspectateurs a été évalué entre trois millions et demi et deux millions et demi selon les épisodes. C’est moins que certains matchs de football mais c’est beaucoup, et notamment beaucoup de jeunes et d


Bernard Chambaz

Écrivain, Poète

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