Le puits aux génies – sur Voyageur d’Ali Farka Touré
Le 7 mars 2006 disparaissait Ali Farka Touré à l’âge de 66 ans. Considéré à juste titre comme l’un des musiciens les plus marquants du continent africain, Ali avait exercé plusieurs métiers avant de faire carrière : ambulancier, piroguier, chauffeur de taxi, mécanicien, technicien radio, cordonnier, cuisinier, tailleur, agriculteur… À la fin de sa vie, lui qui ne savait ni lire ni écrire, assumait les fonctions de maire de sa commune sahélienne de Niafunké proche de Tombouctou, sur la boucle du Niger.

De son bilan, il tirait la plus grande fierté d’une pompe à eau irriguant les rizières alentour qui assurait à ses administrés ce qu’il considérait comme la priorité absolue : l’autosuffisance alimentaire. En comparaison, et quoique sa contribution au bien être de sa communauté découlait en partie de sa réussite artistique, son Grammy Award obtenu en 1994 pour l’album Talkin’ Timbuktu, avec le guitariste américain Ry Cooder, lui semblait presque anecdotique. Moins recensé dans son panégyrique, un titre devrait pourtant lui être attribué aujourd’hui avant tous les autres, celui de symbole de cohésion d’un pays, le Mali, dont l’existence même à l’heure où s’écrivent ces lignes, est menacée.
En une décennie, son territoire s’est mué en un champ de batailles hétéroclites. S’y affrontent des groupes armés dont les antagonismes et les alliances fluctuent selon les intérêts visés. Phalanges djihadistes, ethnies rivales, trafiquants en tout genre et tribus séparatistes en fragmentent l’unité et mettent en évidence l’impuissance d’un État central dirigé par une junte militaire sans légitimité démocratique, réduite à s’appuyer sur une milice étrangère pour se maintenir au pouvoir. Découle en partie de cette situation une crise économique enchaînant l’immense majorité de la population à l’insécurité et à une pauvreté sans fin. C’est dans ce contexte que parait Voyageur, un recueil d’inédits survolant la production d’Ali depuis les années 80. Soit une dizaine de chansons