Littérature

Oraison galloise – sur le dernier Jean-Christophe Bailly

critique

Saisir. Quatre aventures galloises, le dernier ouvrage de Jean-Christophe Bailly nous emmène sur les traces de quatre destins gallois : Thomas Jones, Dylan Thomas, W. G. Sebald et Robert Frank ; un peintre, un poète, un écrivain, un photographe. Le détour de l’auteur par les « aventures » de ces quatre grands artistes l’aide à former une image idéelle du Pays de Galles, de ses terres noires et de ses plages algueuses, image que saisit une écriture vive et inspirée.

Ils sont peu, et précieux, les écrivains qui parviennent à réunir les genres (journal, essai, méditation, oraison, étude, inventaire toponymique) en glissant une voix aussi distincte, reconnaissable entre toutes, invariable malgré la variété des sujets abordés, déployant une façon artisanale unique de saisir et stupéfier le lecteur. Jean-Christophe Bailly est de ceux-là. Car il ne suffit pas de s’affranchir des barrières, encore moins de le clamer comme un signe de liberté ou d’intelligence (souvent comme un signe d’orgueil et de suivisme, en vérité). Non il faut le faire, le réaliser, s’y frotter, en homme de lettres, d’arts, de sciences, d’une culture entretenue et sans cesse renouvelée.

Nous avons connu, lu, admiré Jean-Christophe Bailly sur le romantisme allemand, sur le « versant animal », sur le dépaysement (grande et si précise analyse de la lente métamorphose du paysage français), sur mai 68 (texte court, qui s’achève par un dénouement inopiné dans un couvent de religieuses, au petit matin d’une nuit de barricades et au son de Ora pro nobis). Un jour il faudra rassembler ces analyses infiniment subtiles, ces rêveries enracinées pour mettre en valeur la cohérence de l’œuvre d’un observateur rare, parallèle à son temps.

Nous étions impatient de plonger dans son nouvel ouvrage, Saisir. Quatre aventures galloises, et nous avions raison de trépigner, car le point de convergence de cet essai a tout d’un inédit dans la littérature française : le pays de Galles. Au lecteur de ces lignes, je lance un défi : dresser la liste des écrivains de notre hexagone qui auraient eu la curiosité de plonger dans, ou d’aborder de côté ce pays rude et noir (une couleur sur laquelle revient plusieurs fois Jean-Christophe Bailly, il nous faudra y revenir nous aussi). Choisir un lieu méconnu ne suffit pas ; il ne nous intéresse ici qu’en vertu du regard et du travail d’annotation et de réflexion de l’écrivain-historien de l’art.

Les quatre chapitres centraux de Saisir sont parfaiteme


Cécile Dutheil de la Rochère

critique, éditrice et traductrice

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