La porte de l’été étincelant nous tend les bras – sur Été d’Ali Smith
Souvent les romans d’Ali Smith, écossaise, commencent in medias res, par une réplique, ou une image, ou une déclaration. « Et donc ? » Ce sont les premiers mots d’Été. Et donc, me demanderez-vous ? Donc attendez-vous à ce que le livre cahote et s’ébranle lentement, puis un peu plus rapidement, mais jamais à grande vitesse parce que rien n’y est linéaire, rien ne s’y enchaîne suivant la logique du temps ni de la phrase.

N’ayez pas peur, car on s’y retrouve : chaque chapitre forme une capsule dont le sens est lisible, voire trop lisible, et le livre est composé avec soin. En outre il clôt une série vivaldienne et renvoie aux trois derniers romans d’Ali Smith : Automne, Hiver et Printemps.
Été s’ouvre par un prologue de quelques pages, repris au milieu du roman par un double, puis explicité par un intermède qui permet de comprendre d’où viennent les images décrites dans ce diptyque. 1/ Un homme sur les toits éventrés de Londres. 2/ Deux hommes traversant les décombres d’une ville à la fin de la Seconde Guerre mondiale tandis que des enfants jouent et se moquent autour d’eux. Ces deux séquences sont issues du film d’une grande dame italienne, inconnue en France. Nous ne donnerons pas son nom pour obliger les curieux et les curieuses à se rendre page 245 et découvrir la vie de cette artiste étonnante. Experte en construction, Ali Smith introduit donc deux images subliminales qui viennent étayer son propos de romancière engagée. Elle est assez virtuose et assurée pour pouvoir se le permettre.
Été se déroule à deux époques, la nôtre et celle de la Seconde Guerre, aujourd’hui et au cœur du XXe siècle, à l’heure d’Internet et à celle de l’internement (le jeu de mots est d’Ali Smith). Quel est le point commun entre les deux époques, contre lequel elle s’écrie et entend lutter ? L’indifférence. D’où la question qui ouvre le roman « Et donc ? » Donc ça ne vous fait rien ? Donc vous vous fichez de savoir que des gens sont discriminés, que d’autres sont expulsés, que no