La Shéhérazade de Marlin l’enchanteur marseillais
Tous les ans, des premiers films français apparaissent, dont certains nous éblouissent. L’an dernier, Petit pays et Grave, en 2016, Divines. Cette année les révélations cannoises étaient Sauvage et Shéhérazade, deux longs métrages que rassemble le thème de la prostitution. Shéhérazade a reçu le prix Jean-Vigo (ainsi que trois récompenses au festival d’Angoulême), partagé avec Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez, giallo amoureux avec Vanessa Paradis dans le rôle principal. On ne peut que s’en réjouir : ces lauréats ex-aequo, aux antipodes au niveau esthétique, sont d’une égale réussite et témoignent de l’étendue du spectre du cinéma d’auteur français et de sa richesse.
Shéhérazade appartient à la veine naturaliste du cinéma français contemporain que certains ont décrié, notamment en raison de l’utilisation parfois quasi systématique de la caméra portée et des cadrages très serrés. Cette veine, dominée par Kechiche depuis les années 2000, a donné quelques chefs-d’œuvre. Shéhérazade n’en est pas, mais c’est une belle révélation, un film prometteur qui témoigne d’un vrai talent, du côté du réalisateur Jean-Bernard Marlin comme pour les deux comédiens non-professionnels qui tiennent les rôles principaux. Le réalisateur a mené sa petite enquête dans les milieux de la prostitution marseillaise, et cette dimension documentaire se ressent à l’écran, avec des prostituées qui s’éloignent de l’image traditionnelle qu’on pourrait avoir, elles sont habillées « à l’arrache, comme des chats de gouttière » selon les mots de Marlin, et expriment un certain déni par rapport à leur activité.
Après un casting sauvage mené pendant huit mois à Marseille où il déclare avoir rencontré presque tous les jeunes de la ville, Marlin a flashé sur Dylan Robert et Kenza Fortas, qui n’avaient alors jamais tourné au cinéma ni pris de cours de comédie. Leur naturel, leur spontanéité, l’impression d’authenticité qui se dégage de leur jeu est un atout irréductible que Marlin sait utilise