Spectacle vivant

Comment vivre ensemble en ces temps de détresse ? – sur le Festival d’Avignon 2023

Critique

De Julie Deliquet à Anne Teresa de Keersmaeker, en passant par Patricia Allio, Julien Gosselin et Philippe Quesne : retour sur l’édition 2023 d’un Festival d’Avignon comme revigoré après tant d’années, et préoccupé par deux questions – la hantise de la catastrophe et la manière de vivre ensemble.

Au terme de cette plongée dans la fureur avignonnaise, il s’agit de passer les paroles, les images, les sensations au tamis de sa mémoire pour chercher à en révéler les lignes de force, à en faire briller les signes pour y tracer une constellation. Deux fils semblent relier les différents spectacles vus, malgré la diversité des propositions présentées, aux esthétiques parfois diamétralement opposées : la hantise de la catastrophe, qu’elle soit climatique, sociale, politique, culturelle, et une question – comment vivre ensemble ? Deux préoccupations qui témoignent, sans surprise, du zeitgeist  du temps présent et du souci des artistes d’être aux prises avec leur époque, souci qui tient à cœur au nouveau directeur du Festival d’Avignon qui entend lui donner une coloration plus politique.

publicité

Welfare, mise en scène par Julie Deliquet, ouvre le bal dans la Cour d’honneur du Palais des papes, haut lieu du festival qui, par son amplitude, risque toujours d’écraser ce(ux) qui s’agite(nt) sur son plateau. À l’invitation de Frederick Wiseman, la directrice du Théâtre Gérard Philippe, à Saint-Denis, s’est emparée du film éponyme du maître du documentaire, creusant le sillon de sa veine sociale, déjà sensible dans son adaptation de Fassbinder qui explorait le monde ouvrier. Le film, tourné en 1973, nous plonge dans les arcanes des services sociaux new-yorkais pour révéler l’ahurissant imbroglio de ces usines à gaz, où les plus précaires sont baladés de service en service, ne disposant jamais du bon papier ou du numéro adéquat pour glaner les quelques dollars nécessaires à leur survie.

L’intention de porter un tel coup de sonde est aussi louable que nécessaire à l’heure où l’État Providence est attaqué de toutes parts, et une telle adaptation aura le mérite de remettre en lumière ce documentaire dont certaines séquences  sont proprement bouleversantes. Néanmoins, sa traduction scénique convainc peu : l’hyperréalisme de Deliquet souffre de la comparaison pour celles et ceu


[1]  Aux bords du politique [1998], Paris, Gallimard, collection Folio, 2004, p. 240

Ysé Sorel

Critique

Notes

[1]  Aux bords du politique [1998], Paris, Gallimard, collection Folio, 2004, p. 240