Rediffusion

Quand le Carré rencontre Sebald – sur L’espion qui aimait les livres de John le Carré

Écrivain

Ouvrage posthume et inédit du créateur de Smiley, L’espion qui aimait les livres offre dès la page 21, une surprise : John le Carré rencontre W. G. Sebald ! Cela paraît improbable, mais devait bien arriver : le maître du roman d’espionnage, fasciné depuis toujours par l’Allemagne, grand mais très ironique esprit européen, dit son admiration pour le Bavarois exilé depuis les années 60 dans l’est de l’Angleterre, auteur immense d’une œuvre brutalement interrompue en 2001 par un accident de voiture. Rediffusion du 12 janvier 2023

Un livre posthume et inédit de John le Carré, pas un fond de tiroir (nous promet-on), un vrai roman achevé et conçu comme tel : quelle joie ! Peu importe, alors, l’histoire détaillée de sa publication, le fait par exemple que l’auteur en ait terminé la rédaction dès 2014, semble-t-il, avant donc la parution du testamentaire et magnifique Héritage des espions

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Le livre est bien là, disponible sous le titre français de L’espion qui aimait les livres, traduit par la fidèle Isabelle Perrin qui a pris seule la relève de sa mère. À cet égard, il faut insister sur le délice frissonnant qu’on a éprouvé pendant des années à retrouver leurs deux noms, à chaque fois, sur la couverture du roman qui paraissait : « traduction de l’anglais par Isabelle et Mimi Perrin », laquelle Mimi fut un personnage assez romanesque, chanteuse de jazz fameuse avant de devenir, entre autres, la voix française de le Carré…

Bref, nous commençons à lire L’espion qui aimait les livres (ne serait-ce pas quelque chose comme une épitaphe, cette très libre adaptation du titre original, Silverview ?), en nous disant qu’il va falloir savourer ce moment, en craignant tout de même (avouons-le) d’être déçu, surtout après le formidable Retour de service paru il y a deux ans… Et voilà que nous attendait une surprise, dès la page 21 : John le Carré rencontre W. G. Sebald ! Cela paraît improbable, mais devait bien arriver : le maître du roman d’espionnage, fasciné depuis toujours par l’Allemagne, grand mais très ironique esprit européen, dit son admiration pour le Bavarois exilé depuis les années 60 dans l’est de l’Angleterre, auteur immense d’une œuvre brutalement interrompue, mort dans un accident de voiture en 2001. Bien sûr, c’est là quelque chose comme un hommage, d’autant que le livre de Sebald cité dans L’espion qui aimait les livres est l’un des plus beaux et peut-être des plus mélancoliques, Les Anneaux de Saturne, où le narrateur nous fait déambuler sur les chemins du Suffolk et croiser Kafka


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire