Société

Les générations perdues de Rachid Taha ?

Sociologue politique

Disparu le 12 septembre, Rachid Taha a marqué les années 80 et sa musique résonne encore aujourd’hui. Se jouant des clichés, ses paroles pleines d’ironie ont dénoncé les discriminations subies par sa génération et contre lesquelles la gauche apparaît avoir baissé les bras. Revenir sur sa trajectoire devrait permettre d’enfin tirer les leçons de ces années de rendez-vous manqués.

Rachid Taha, né à Sig près d’Oran en 1958, est arrivé en France avec sa famille en 1968 à Sainte-Marie-aux-Mines en Alsace, et décédé aux Lilas près de Paris. Il a été enterré dans sa ville natale, où sont retournés vivre ses parents, le 14 septembre 2018. Rachid Taha, après avoir travaillé à l’usine Thermix à Rillieux-la-Pape près de Lyon, sera le chanteur du groupe Carte de Séjour à partir de 1981. C’est le début d’autres pérégrinations, musicales cette fois: les tournées mondiales, les détournements des « tubes » de Trenet, de Dahmane El Harrachi ou les aller retours avec The Clash. Une biographie semée de dates « historiques » (1958, 1968, 1981). Et un parcours complexe qui n’entre pas dans les typologies des chercheurs de l’immigration, y compris celle du sociologue algérien Adelmayek Sayad.

En 1978, Rachid Taha a 20 ans. Difficile de pas écouter The Clash qui chante devant des foules en délire à Victoria Park au festival « Rock against racism ».  En 1978, en France, le président de la République a une idée assez claire sur les familles comme celle de Rachid Taha : ne pas renouveler leur titre de séjour. Finalement, l’expulsion massive des Algériens n’aura pas lieu, comme l’a relaté Patrick Weil. Mais c’est une période dure pour les premières et deuxièmes générations : meurtres racistes, violences policières et émeutes, expulsions et grèves de la faim des sans-papiers, chantage au chômage et grèves des travailleurs étrangers, notamment dans l’automobile.

Rachid Taha ne passera pas à côté de l’histoire. Il en sera un acteur, en incarnant au sens fort un moment particulier.

Les initiatives se multiplient dans les « quartiers », les concerts de « Rock Against Police » et les radios associatives, auxquelles Rachid Taha a contribué. Mais la situation est compliquée à gauche, avec Gilbert-Jules, ancien ministre de l’Intérieur de Guy Mollet entre 1956 et 1957 en pleine guerre d’Algérie, comme candidat PS ; et le dirigeant du PCF qui fustige les « immigrés » qui « vie


Virginie Guiraudon

Sociologue politique, Directrice de recherche au CNRS, Centre d'études européennes

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