Rien : l’amour – sur L’amour de François Bégaudeau
C’est peu de dire que François Bégaudeau est bavard. Il y a chez lui un goût de la parole, de sa parole et du débat, de l’argumentation et de sa mise en scène, qui fait qu’on a forcément dans l’oreille le rythme spécial de sa voix, son éloquence propre, comme sans doute les images qui lui sont associées, à la télévision, sur Internet, et même au cinéma.

Disons-le plus simplement : c’est un personnage public, avec ce que cela suppose d’engagement sincère et de rouerie rhétorique, d’amour de soi autant que de conviction farouche au service de causes justes, on n’en doute pas.
Mais il arrive qu’on s’en lasse un peu, et qu’on se dise : ce serait bien de découvrir un livre de Bégaudeau « comme si de rien n’était », comme si ce nom n’évoquait pas grand-chose, et donc un peu comme un premier roman, en somme, ou un texte qu’on lirait dans un état de relative amnésie, le silence revenu d’une sorte de première fois.
L’exercice n’est pas forcément facile, et peut-être même est-il complétement absurde, après tout, puisqu’un livre se nourrit fatalement, pas nécessairement pour le pire, de la connaissance que l’on a de l’auteur, et d’abord de sa bibliographie : celle de François Bégaudeau est abondante, voire pléthorique, qui occupe deux bonnes pages aux lisières de son nouveau roman, L’amour. Mais peu importe, ceci est une autre question : on aura toujours le temps de relire. Pour l’heure, on fait comme si L’amour était l’ouvrage d’un (presque) inconnu, on s’amuse à ce jeu-là, on n’en est pas déçu.
L’amour est un roman bref et assez simplement beau (disons-le tout de suite), qui raconte avec force ellipses et raccourcis heureux l’histoire d’un couple « ordinaire » au fil de plusieurs décennies. Cela pourrait commencer comme un roman d’aujourd’hui qui relirait Perec relisant Flaubert : Jeanne, l’héroïne, ne s’appelle-t-elle pas Moreau, comme la comédienne-star, mais aussi le Frédéric de L’éducation sentimentale ? De Flaubert à Perec, on pense d’abord aux Choses, ainsi,