Société

Discriminations à l’embauche selon l’origine : les testings ne suffisent pas

Économiste, Économiste

Une proposition de loi déposée cet été vise à multiplier et institutionnaliser le testing. Pour prendre toute la mesure des discriminations à l’embauche, il conviendrait toutefois de compléter cette méthode nécessaire et relativement simple à mettre en œuvre par des enquêtes de terrain plus fines.

En 2020, une opération de testing de grande ampleur (9 600 candidatures de femmes et d’hommes portant sur 11 métiers variés) réalisée sous l’égide de la Dares, le service statistique du ministère du Travail, met en évidence que, malgré des candidatures comparables en tous points, à peine plus de 20 % des candidat∙es dont les nom et prénom laissent supposer une origine maghrébine sont rappelé∙es contre un tiers de ceux/celles d’origine supposée française[1]. Autrement dit, les candidat∙es portant des nom et prénom d’origine maghrébine ont 30 % de chances de moins d’être contacté∙es pour un entretien.

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Ce résultat est dans la lignée de ceux des dizaines de testings menés en France depuis plus de 20 ans. Par ailleurs, certains testings récents soulignent que ce n’est pas tant l’origine maghrébine que l’origine arabo-musulmane des noms et prénom qui semble être source de discrimination, origine qui est d’ailleurs celle de la plupart des noms et prénoms maghrébins utilisés dans les testings[2].

Ceux-ci sont devenus incontournables dans de nombreux pays pour mesurer les discriminations à l’embauche. Ils sont de plus en plus perçus comme « le » thermomètre approprié pour prendre la mesure du phénomène étant considérés comme plus rigoureux et convaincants que les autres à la disposition des évaluateurs. D’ailleurs, un député de la majorité gouvernementale a déposé début juillet 2023 une proposition de loi appelant à étendre leur pratique et à les utiliser comme preuves de l’existence de discriminations[3]. Si la méthode du testing peut être coûteuse à grande échelle, dans son principe, elle est assez simple à mettre en œuvre. Elle consiste à envoyer, le plus souvent en réponse à des annonces d’offres d’emploi, des candidatures fictives qui sont, en moyenne, équivalentes en tous points (expérience, diplôme, spécialité de formation, etc.) excepté le critère testé.

Une autre méthode couramment utilisée consiste à étudier les écarts de taux de chômage entre les personn


[1] Dares-Mar, IPP et ISM Corum (2021), « Discrimination à l’embauche des personnes d’origine supposée maghrébine : quels enseignements d’une grande étude par testing», Dares Analyses, n° 67.

[2] M.A. Valfort (2015), Discriminations religieuses à l’embauche : une réalité, Institut Montaigne.

[3] « Emploi : afin de lutter contre les discriminations à l’embauche, Marc Ferracci (Renaissance) souhaite “généraliser“ la pratique du « testing » », Francetvinfo.fr, juin 2023.

[4] B. Boutchenik et J. Lê (2017), « Les descendants d’immigrés maghrébins : des difficultés d’accès à l’emploi et aux salaires les plus élevés », Insee Références, édition 2017, Dossier Emploi, chômage, revenus du travail.

[5] D. Meurs (2018), « Employment and Wages of Immigrants and Descendants of Immigrants: Measures of Inequality and Perceived Discrimination | SpringerLink », in Trajectories and Origins: Survey on the Diversity of the French Population, INED Population Studies book series (INPS, volume 8).

[6] A. Coulon, D. Prud’homme et P. Simon (2018), Le racisme et la discrimination raciale au travail, AFMD.

[7] En effet, même si les recruteurs recourent aux annonces dans 45 % de leurs recrutements, ils ne recrutent effectivement via ce canal que dans un tiers des cas. Ainsi, sur ce champ, d’autres comportements discriminatoires que ceux mesurés par les testings peuvent être à l’œuvre puis l’embauche résulte d’autres canaux dans deux-tiers des cas.

[8] V. Rémy et E. Valat (2023), « Au-delà des discriminations mesurées par les testings, comment sont recrutées
les personnes dont les nom et prénom suggèrent une origine arabo-musulmane ?
 », Dares analyses, n° 268.

[9] Par exemple, tel serait le cas si les employeurs exigeant davantage d’informations étaient également plus méfiants et donc davantage susceptibles de discriminer sur des critères tels que l’origine supposée. Dans ce cas, les résultats présentés sous-estimeraient l’effet positif des informations supplémentaires apportées, par exemple,

Véronique Rémy

Économiste, Chargée d’études à la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail

Emmanuel Valat

Économiste, Maître de conférence à l’Université Gustave Eiffel, membre du laboratoire ERUDITE et conseiller scientifique à la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du Ministère du Travail

Notes

[1] Dares-Mar, IPP et ISM Corum (2021), « Discrimination à l’embauche des personnes d’origine supposée maghrébine : quels enseignements d’une grande étude par testing», Dares Analyses, n° 67.

[2] M.A. Valfort (2015), Discriminations religieuses à l’embauche : une réalité, Institut Montaigne.

[3] « Emploi : afin de lutter contre les discriminations à l’embauche, Marc Ferracci (Renaissance) souhaite “généraliser“ la pratique du « testing » », Francetvinfo.fr, juin 2023.

[4] B. Boutchenik et J. Lê (2017), « Les descendants d’immigrés maghrébins : des difficultés d’accès à l’emploi et aux salaires les plus élevés », Insee Références, édition 2017, Dossier Emploi, chômage, revenus du travail.

[5] D. Meurs (2018), « Employment and Wages of Immigrants and Descendants of Immigrants: Measures of Inequality and Perceived Discrimination | SpringerLink », in Trajectories and Origins: Survey on the Diversity of the French Population, INED Population Studies book series (INPS, volume 8).

[6] A. Coulon, D. Prud’homme et P. Simon (2018), Le racisme et la discrimination raciale au travail, AFMD.

[7] En effet, même si les recruteurs recourent aux annonces dans 45 % de leurs recrutements, ils ne recrutent effectivement via ce canal que dans un tiers des cas. Ainsi, sur ce champ, d’autres comportements discriminatoires que ceux mesurés par les testings peuvent être à l’œuvre puis l’embauche résulte d’autres canaux dans deux-tiers des cas.

[8] V. Rémy et E. Valat (2023), « Au-delà des discriminations mesurées par les testings, comment sont recrutées
les personnes dont les nom et prénom suggèrent une origine arabo-musulmane ?
 », Dares analyses, n° 268.

[9] Par exemple, tel serait le cas si les employeurs exigeant davantage d’informations étaient également plus méfiants et donc davantage susceptibles de discriminer sur des critères tels que l’origine supposée. Dans ce cas, les résultats présentés sous-estimeraient l’effet positif des informations supplémentaires apportées, par exemple,