Roman (extrait)

Horcynus Orca

Écrivain

Italie, octobre 1943, peu après l’armistice. Andrea Cambria, marin démobilisé, retourne dans sa Sicile natale. Dans le détroit de Messine rôde un orque contre lequel luttent les dauphins, les pêcheurs, les Alliés. Ce roman de 1 300 pages est tout un monde, mythologique et populaire, de mer, de sexe, d’agonie, de chaos. C’est aussi est une triple aventure éditoriale, en Italie, où il fut salué avant même sa parution en 1975, en France, où on l’attend depuis longtemps, et pour Monique Baccelli et Antonio Werli, qui en ont traduit l’ample invention langagière. À paraître au Nouvel Attila.

Le soleil quatre fois se coucha sur son voyage et à la fin du quatrième jour, qui était le quatre octobre mille neuf cent quarante-trois, le marin, simple nautonier de feue la Marine Royale, ’Ndrja Cambría, arriva au pays des Femmes, sur les mers de Charybde et Scylla.

La nuit tombait à vue d’œil et un filet de ventilation montait de la mer au gré de la rème sur le petit promontoire. Toute cette journée la mer s’était encore lissée dans le grand calme de sirocco qui durait, sans le moindre changement, depuis le départ de Naples : levant, ponant et levant, hier, aujourd’hui, demain, et ce très faible clapotis de la vague grise, d’argent ou de fer, répétée à perte de vue.

Depuis quelques heures à peine, même si le sirocco était toujours égal, et s’il avait pourtant embrasé l’endroit, la mer avait sournoisement commencé de s’enfauver. Ç’avait été naturellement quand la mer s’était faite rème, troublée et empoisonnée par les premiers serpentins tourmentés de purges et de rejets, pareils à de gigantesques murènes que lui, avec son œil de connaisseur, repérait à leurs couleurs différentes, comme de pierre moussue, glacées, donnant le frisson. Ç’avait donc été après que les Îles eurent échappé à sa vue derrière Capo Milazzo ; et Stromboli, Vulcano, Lipari, qu’il entrevoyait pour la première fois de loin et depuis la terre, après les avoir toujours vues depuis les palamitaires, montant par le Golfe de l’Aria, semblaient exhaler de la vapeur dans le soleil comme des carcasses de baleines tombées dans la bonace.

Tandis qu’il marchait vers la pointe du promontoire féminaute, le ciel devant lui sur le Détroit passait du pourpre ardent à une brume de frétillements goudronneux. Quand il fit face à la mer, et l’on voyait encore clair à cause des lueurs nacrées de l’air, la nuit sans lune surgit d’un coup, avec cette façon brusque et orageuse de passer de la lumière à l’obscurité qu’ont de tomber, même au plus clair de l’été, les nuits sans lune. Des nuageailles fumeuses, comme dég


Stefano D'Arrigo

Écrivain