Post-vérité : au bazar de l’information
Si la faillite des institutions a érodé la confiance, l’industrie multimilliardaire de la désinformation, la propagande mensongère et la fausse science qui ont vu le jour ces dernières années en ont fait autant. De même que la post-vérité n’est pas seulement le nouveau nom du mensonge, de même cette industrie n’a rien à voir avec le lobbying dans ce qu’il a de légitime ni avec les relations d’affaires traditionnelles. Les entreprises, les associations, les organisations diverses et les personnalités publiques ont le droit de chercher des soutiens au milieu du labyrinthe gouvernemental et médiatique. Cela fait partie du tumulte de la prise de décision politique, des consultations, de la publicité, et ne menace en rien la vie civique.
Assez différent, toutefois, est l’accroissement de la falsification menée par des organisations agissant au nom d’intérêts plus vastes, dont le but est de supprimer une information sérieuse ou d’empêcher certains d’y recourir. Comme l’a écrit le journaliste Ari Rabin-Havt: « Ces mensonges font partie d’une stratégie coordonnée pour masquer la vérité, troubler le public et créer des controverses à partir de rien. »
Cette attaque a une origine lointaine dans le lancement du Tobacco Industry Research Committee en 1954, un organisme créé pour répondre à l’anxiété grandissante de la population face aux liens du tabac avec le cancer du poumon. Ce qui a fait de ce comité quelque chose de si important tient à la subtilité de son objectif. Il cherchait moins à gagner une bataille qu’à discuter de l’existence ou non d’un consensus scientifique, pour saboter la confiance du public et établir une équivalence entre les scientifiques qui pensaient qu’il y avait un lien entre le cancer du poumon et le tabac et ceux qui n’y croyaient pas. Le but n’était pas d’obtenir une victoire universitaire, mais de parvenir à susciter une confusion dans les esprits. Tant que le doute planerait au sujet du tabac, un statu quo très lucratif persisterait.