Théâtre

Beauté aliénée, La Dame aux camélias d’Arthur Nauzyciel

Journaliste

Avec La Dame aux camélias, le metteur en scène et directeur du Théâtre national de Bretagne Arthur Nauzyciel conçoit un spectacle interprété avec virtuosité par les comédiens et empreint d’une mélancolie et d’une sensualité rares, où l’aliénation de Marguerite est certes consciente, mais néanmoins acceptée.

Suite aux premières représentations en septembre au Théâtre national de Bretagne, à Rennes, de La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils (1824-1895), plusieurs articles de presse ont paru. Dans sa critique publiée dans Le Monde, la journaliste Joëlle Gayot évoqua notamment un « pacte avec la beauté ». Pour une simple lectrice pas encore spectatrice, l’expression pouvait étonner, faire lever un sourcil, puis l’autre. D’abord parce que la critique Joëlle Gayot est peu coutumière de telles formules, dont le lyrisme est à la limite de l’emphase.

Et que signifiait précisément cette idée de « pacte avec la beauté » ? Il y avait dans l’expression, au-delà du caractère élogieux, une forme de mystère. Difficile aussi de ne pas songer à un pacte avec le diable, motif récurrent de la littérature romantique. Ramené à une œuvre narrant le destin tragique d’une courtisane, qui sacrifiera son amour pour un jeune bourgeois – sur la demande du père de ce dernier – afin de préserver la probité de sa famille, le terme pouvait avoir une consonance ambivalente.

Et puis, voilà. La journaliste – l’autre, hein, celle écrivant ces lignes – a, à son tour, assisté à la mise en scène de La Dame aux camélias. L’emploi d’une telle formule est alors apparue limpide, évidente, tant Arthur Nauzyciel restitue dans une mise en scène à l’unicité esthétique aussi sublime que saisissante la puissance de la passion de Marguerite Gautier pour Armand Duval. Dans une scénographie toute de rouge carmin (sol, plafond, canapés, voiles de tulle) où une scène surélevée – espace de jeu où évolueront les comédiens – est occupée par un ou plusieurs canapés, La Dame aux camélias déplie l’histoire d’une femme se révélant à elle-même, et brosse au passage le portrait d’une micro-société régie par le commerce des corps.

Mais reprenons. Écrite par Alexandre Dumas fils en 1848 dans sa version romanesque, remaniée en pièce de théâtre dès 1849 (la censure ne l’autorisera à être jouée qu’en 1852), adaptée à l’opéra, La D


Caroline Châtelet

Journaliste, critique