L’impossible ministre de la Culture
Depuis de nombreuses années, nous n’avons pas de ministre de la Culture. Il y eut des titulaires, certes, mais de ministre point. Pourquoi ? Un ministre de la Culture est un responsable des arts, d’abord et principalement : de ces œuvres qui sont et seront les réels et pérennes contenus de ce que nous nommons Culture. La parole d’un ministre de la Culture ne peut s’aligner sur celle d’un ministre de l’Économie, voire de l’Éducation. Sa parole compte dans la mesure où elle sait ne pas être comptable seulement. Car pour lui, il ne s’agit pas d’un Présent réduit à ses contraintes, il s’agit du potentiel du temps ; il s’agit de lancer l’avenir.

Plus que d’autres, la parole du ministre de la Culture acte dans le présent ce qui fonde son avenir. Cet acte est premier. Il contient la confiance dont nous sommes encore capables, peut-être, en l’imagination d’un lendemain insaisissable.
L’improbable doit se faire ouverture ; l’ambition ne pas se consumer dans la nuit.
La comptabilité ampute le récit.
Comment pourrions-nous regarder la mort sans le conteur qui devant elle, loue la vie ?
Le comptable ne saurait être le conteur.
Dans le Carnet de Bento, John Berger écrit ceci : « Les gens tiennent les livres d’une façon singulière – comme ils ne tiennent rien d’autre. Non comme des choses inanimées mais plutôt comme des choses endormies. Les enfants portent souvent leurs jouets de cette manière. »
Le ministre de la Culture doit intimider le ministre de l’Économie et non l’inverse.
Je rêve d’un ministre soucieux de réveiller les livres. Il saurait trouver les mots qui les éveilleraient, leur restitueraient leur force, la dignité de leur protestation, la nécessité de l’amour qui les emporte. Un tel ministre serait ainsi celui qui tisse les liens entre les morts et les vivants.
Le gestionnaire est contraint, nous le savons. Mais sa parole doit desserrer l’étau et dégager un autre accès. Le ministre de la Culture doit intimider le ministre de l’Économie et non l’inverse.
Obliger la