La Plaine à Marseille ou la démocratie emmurée
À Marseille, un nouveau paysage, entre prison, état de siège, camp d’internement, est apparu. Depuis mardi 29 octobre 2018 se déploie autour de la plus grande place de la ville, la place Jean Jaurès, appelée plus communément la Plaine, une ceinture de béton de 2,5 m de haut. Ce jour-là, la pluie tombe dru, ajoutant du sinistre au monstrueux, floutant la violence disproportionnée du dispositif face à quelques dizaines de protestataires détrempés – assez peu soutenus par le gros de la population locale il est vrai.
Séparés des opposants par des cordons d’agents de police et de CRS, les ouvriers disposent à l’aide de machines géantes des éléments en L, 50 cm plus haut que ceux qui ont été utilisés pour interdire l’accès au plus grand site d’enfouissement de déchets radioactifs en France, celui de Bure. Leur fonction, est-il annoncé, est de « sécuriser » le long chantier au terme duquel la place sera entièrement « requalifiée ». Serait-ce un nouveau « mur de la honte » ? La place la plus populaire, la plus vivante, la plus hétéroclite et la plus polyvalente de la ville pourra-t-elle résister au sort de « montée en gamme », de « saut qualitatif » et d’« attractivité » que la municipalité et sa société d’aménagement locale, la Soleam, lui réservent ?
Dans le temps existait sur cette place un plan d’eau dont le centre accueillait une île miniature plantée de 4 magnolias, qui sont toujours là. Les enfants pouvaient naviguer dans une barque que manœuvrait un faux matelot. Cela s’appelait « faire le tour du monde ». Pour quelques sous, on embarquait pour la Chine, l’Amérique, l’Australie, on tirait son mouchoir pour dire adieu aux parents puis célébrer les retrouvailles.
La démocratie comme fin ne peut être atteinte que par des moyens eux-mêmes démocratiques.
Entre la Plaine qui promettait aux enfants un beau et long voyage, et la place désormais cernée d’une barrière de béton au-delà de laquelle la circulation automobile et pédestre est compactée à l’extrême, se l