Nature et culture du sexe

Philosophe

Le formidable mouvement d’insurrection spontanée des femmes contre toutes les formes de violence sexuelles offre l’occasion de mieux comprendre la réalité de la domination masculine mais aussi d’interroger nos rapports à la sexualité et au désir.

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Depuis les débuts de ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Weinstein », les hommes ont plutôt tendance à se taire. En un sens, ils ont raison : la plupart des femmes se sont reconnues dans le mouvement #MeToo mais la plupart des hommes ne se reconnaissent dans aucun « porc ». Pourtant, c’est bien aussi d’eux (de nous) qu’il est question. Il y va à la fois de la libération des femmes et de la sexualité des hommes. Les deux problématiques se mêlent et il est difficile de les séparer tant la réalité est enchevêtrée. Il faut pourtant tenter de le faire car on gagne toujours à distinguer ce qui est confus.

D’un côté, il y a ce formidable mouvement d’insurrection spontanée des femmes contre toutes les formes de violence sexuelles : les crimes (les féminicides, les viols) et les délits (agressions, harcèlements) reconnus par la loi mais trop rarement condamnés par les tribunaux, aussi bien que les petites vexations quotidiennes qui échappent au filtre de la loi pénale. Ce mouvement est inédit par sa durée et par son ampleur. Il l’est aussi par le concentré des luttes qu’il représente.

C’est faire un mauvais procès au mouvement que de parler de « victimisation », le fait que des victimes puissent exprimer leur souffrance marque toujours un progrès.

C’est d’abord une révolte contre l’injustice. Elle est le pire des maux parce que la souffrance de la victime n’est pas compensée par le châtiment d’un coupable. Double peine. Une de ses représentations les plus universelles, c’est celle du salaud prospère, qu’incarne si bien le premier protagoniste de « l’affaire », à l’image de tant de puissants de par le monde qui jouissent à la fois d’une capacité indéfinie de nuire et du pouvoir illimité d’étouffer leurs forfaits. Voir une de ces canailles tomber est toujours une joie bénigne pour les amoureux de la justice. Et c’est faire un mauvais procès au mouvement que de parler de « victimisation ». Le fait que des victimes puissent exprimer leur souffrance marque touj


Francis Wolff

Philosophe, Professeur émérite au département de philosophie de l'ENS-Ulm