Gonçalo M. Tavares ou la recherche de l’inouï
Hanna et Marius errent parmi les décombres d’une Europe sortie de la guerre. Ce sont les deux protagonistes d’Une jeune fille perdue dans le siècle à la recherche de son père de Gonçalo M. Tavares, auteur portugais né à Luanda en 1970. Édité récemment chez Viviane Hamy dans une excellente traduction par Dominique Nédellec, le roman paru en 2014 au Portugal (et dont AOC a publié cet été un extrait en avant-première) confirme Tavares comme l’une des voix les plus puissantes et originales de la littérature actuelle. Titulaire d’importants prix littéraires (Saramago, Oceanos, entre autres), il est l’auteur d’une œuvre vaste et polymorphe, distribuée en séries qui fonctionnent comme des sous-genres inventés, tels que « Atlas », « Epopées », « Le Royaume », « Encyclopédie », « Archives », « Bloom Books »… Ces séries interviennent surtout dans les éditions portugaises et brésiliennes des livres de Tavares, suivant un schéma de classification nommé « Cahiers de Gonçalo M. Tavares », qui s’augmente à chaque parution. Seule une petite partie de cette œuvre est disponible en français chez Viviane Hamy, notamment quelques titres de la série « Le Quartier » et les romans du « Royaume ».
Une jeune fille perdue dans le siècle à la recherche de son père aurait pu venir s’ajouter aux romans du « Royaume », comme Un homme : Klaus Klump (2003), qui dépeignent un monde en éclats, devant des guerres géographiquement et chronologiquement non repérables. Mais le nouveau roman de Tavares nomme sa ville et son époque : Berlin, peu de temps après la fin de la Seconde Guerre. D’après le schéma des « Cahiers » de Tavares, il s’inscrirait dans la série « Villes », dont le seul autre volume jusqu’à présent est Matteo a perdu son emploi, paru en 2016 en France, et traduit également par Dominique Nédellec.
Dans les premières pages d’Une jeune fille…, un homme en fuite rencontre une fille de 14 ans, atteinte de trisomie 21 (ou syndrome de Down). Hanna tient dans ses mains une fiche brist