Les Gilets Jaunes en campagne – une ruralité politique
Le mouvement des « gilets jaunes » met particulièrement au-devant de la scène les populations rurales, et ce de manière aussi subite qu’inédite. Comment expliquer la réussite et l’ampleur d’une telle mobilisation ? S’il est bien sûr trop tôt pour en faire la sociologie, ce mouvement et ses revendications placent à l’agenda de la scène politique et médiatique un pan de la réalité des populations dans nombre de zones rurales : dépendance totale à l’automobile et aux coûts que son usage entraîne, niveau de vie contraint d’une majorité de résidents appartenant aux classes populaires. En éclairant la transformation des rapports sociaux dans une France rurale qui a subi de profondes mutations, nous avons eu l’occasion d’apporter dans un ouvrage très récent – Mondes ruraux et classes sociales – des éléments de compréhension des conditions de possibilité de cette mobilisation.
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Les mondes ruraux et les classes populaires
Si parler de monde rural au singulier est une gageure tant les réalités socio-économiques rencontrées dans les Ardennes, les Landes, en zone montagneuse, touristique ou désertifiée sont nécessairement spécifiques à des contextes singuliers, il est néanmoins possible de mettre l’accent sur certaines régularités. Il faut d’abord rappeler que la distribution sociale de la population n’est pas uniforme sur le territoire métropolitain, elle est notamment marquée par une part croissante des ouvriers et des employés – les deux catégories sociales au cœur des classes populaires contemporaines – au fur et à mesure que l’on s’éloigne du cœur des grandes agglomérations. Cette surreprésentation des classes populaires hors des métropoles renvoie à des logiques de fonctionnement des marchés de l’emploi et de l’immobilier. Du fait de la montée des prix de l’immobilier dans les grandes villes, les catégories populaires qui accèdent à la propriété s’installent prioritairement en habitat individuel dans les couronnes périurbaines et les espaces ruraux. D’autre