Fixe – sur l’exposition « Jeff Wall »
À l’entrée des espaces d’exposition de la fondation Beyeler nous croisons le regard d’un âne. Un âne photographié par Jeff Wall en 1986. L’œuvre intitulée A Donkey in Blackpool date de 1999, période faste pour l’artiste de Vancouver, lequel développe depuis une quinzaine d’année une approche singulière de la photographie entre forme documentaire et pratique plasticienne. Un âne donc, peut être l’autoportrait du visiteur rêvé d’une exposition de photographie, transporté de-ci-de-là face à l’instantané d’un autre que soi. Pas à pas, nous faisons alors face à un travail de contemplation qui devient, au fil des ans, le lieu du commun par excellence. Tout le monde photographie, partage, puis transmet par écran interposé.

Ici, il s’agit de grands formats, dans de grandes salles, pour une grande exposition et dans une grande fondation. L’exposition de l’institution suisse se raconte avec son lot de superlatifs, d’emphase et de démesure, à l’image des flux financiers qui font florès sur les rives des lacs voisins.
Né en 1946, l’artiste se forme tôt aux théories de l’art conceptuel, depuis les travaux de Clement Greenberg et Michael Fried, et cela dans une perspective iconographe que l’on retrouve sur les contours de l’exposition rédigés dans les marges. C’est dans un dialogue avec les travaux de John Hartfield, à la singularité d’une photographie en résonnance avec les travaux d’El Lissitzky ou de Gustav Klutsis que s’est construite l’œuvre de Jeff Wall.
Marquée par le travail du montage photographique, l’œuvre du canadien s’est vite transposée vers une approche minutieuse de la mise en scène et du savoir-faire qui réécrira les usages de la straight photography. Alors, c’est bien la question du regard et de l’image qui saute aux yeux dans l’exposition de la fondation Beyeler, celle d’une lecture romantique de la photographie qui transparaît des 11 salles qui se succèdent, en contrepoint des collines.
Un art mineur et une influence majeure
L’âne prolonge sa visite.