Roman (extrait)

Kadogo, l’enfant soldat

Poète

C’est lors d’un atelier d’écriture au Rwanda que Marie Darrieussecq a rencontré Bernard Kanyana Kabale. Comme elle l’écrit en introduction au texte de ce poète des Grands Lacs qu’elle a fait connaître à AOC, « l’humour peut se charger d’une partie de l’Histoire ». L’extrait du livre inédit publié aujourd’hui, tandis que le trentième anniversaire du génocide rwandais s’annonce ces jours prochains, s’apparente à une nouvelle, extraordinaire par son rythme, sa langue, et l’histoire de cet enfant enrôlé de force mais très originalement sauvé.

Kadogo, l’enfant soldat est un extrait d’un livre inédit écrit par Kanyana Kabale Bernard, intitulé Kadogo, bagarreur pour la paix de tous, par tous, depuis les Grands Lacs africains.

J’ai rencontré Kanyana lors d’un atelier d’écriture organisé à Gisenyi, au Rwanda, à la frontière avec la RDC, sur le lac Kivu, en face de Goma, en 2016. J’étais déjà venue au Rwanda, invitée par l’EGAM, une association européenne de prévention des génocides. J’avais passé quinze jours, de charnier en charnier, à écouter des rescapés du génocide contre les Tutsis. Après le rôle trouble joué par la France pendant ce génocide, le président Kagame ne voulait plus d’une ambassade de France dans son pays. Une sorte d’ambassade fantôme, hébergée par un Institut français tout aussi spectral, subsistait pourtant, tolérée par le gouvernement rwandais.

Cet atelier d’écriture était une idée de ce fantôme d’ambassade. Et cette idée me semblait une bonne idée. Un atelier d’écriture dans la zone des Grands Lacs, avec des participants de tous les pays du lac Kivu, permettrait peut-être de mettre en commun les traumatismes, de les « parler » puis de les écrire, dans un français infusé par l’anglais, le swahili, le kinyarwanda et le kirundi. Les participants traduisaient les uns pour les autres, sous l’égide de Roland Rugeri, un écrivain du Burundi voisin, qui co-animait l’atelier avec moi.

Parmi les candidats qui avaient postulé, douze avaient été sélectionnés, dont une seule femme. Nous aurions aimé la parité, mais dans la région des Grands Lacs, les femmes ont des enfants qu’elles doivent nourrir avec de très petits lopins de terre, et elles ont apparemment autre chose à faire qu’écrire. Ou peut-être qu’on ne les laisse pas trop courir les ateliers d’écriture pendant que lopin et enfants attendent. Mais c’est une autre histoire, que je raconterai un jour.

Kanyana était le doyen des participants. Il devait avoir une cinquantaine, peut-être une soixantaine d’années. Il se présentait comme griot, avec


[1] Toussoter est un fait culturel au Bushi. Ça annonce que quelqu’un s’approche, qu’il y a une personne qui arrive avec des bonnes intentions… (Note de l’auteur)

Notes

[1] Toussoter est un fait culturel au Bushi. Ça annonce que quelqu’un s’approche, qu’il y a une personne qui arrive avec des bonnes intentions… (Note de l’auteur)